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vendredi 24 juin 2011

Starbucks and me

Chers tous,

L’autre jour j’ai commis une infidélité (mineure). Au lieu d’aller prendre mon café post-lunch au Starbucks en face de mon lieu de travail, j’ai voulu essayer un nouvel endroit plus éloigné, mais chaudement recommandé par ma bible, New York Magazine. Un café "à la Brooklyn", ouvert récemment par un couple de passionnés. D’habitude, je vais à ce Starbucks tous les jours où je travaille. Soit, si on fait le calcul (on enlève les weekends, congés, et jours fériés), plus de 200 fois par an ! Et bien, j’ai été déçue. Cela m’apprendra à faire un écart ! En effet, dans ce nouveau café, ils n’avaient pas de lait écrème, ni même de lait "normal" (en France appelé demi-écrémé, ici appelé 2%). Or pour moi le lait entier appartient à la même famille que la crème fraîche, le beurre, et les yaourts recette fermière, aliments qui me font horreur, sauf s’ils sont mélangés à plein d’autres ingrédients, et encore. Voilà pourquoi quand on me demande d’où je viens, je suis bien obligée de faire la distinction, « non je ne suis pas une vraie Bretonne… j’ai grandi en Bretagne ». Revenons-en à nos sirènes vertes ! Starbucks et moi c’est une « love/hate relationship »…

Notre première rencontre a eu lieu il y une dizaine d’année, à Seattle s’il vous plaît (ville où la chaîne est née, le café original est d’ailleurs toujours ouvert à Pike Place Market). Et aujourd’hui je vais chez Starbucks tous les jours de la semaine, mais JAMAIS le weekend, (sauf si je suis en quête de toilettes publics). Alors pourquoi est-ce que suis cette règle très particulière : semaine on/weekend off ?

La semaine, j’économise de l’argent en dégustant, la plupart du temps devant mon écran d’ordinateur (comme tous mes collègues, soupir), de délicieux déjeuners faits maison par mes soins. Ensuite je m’accorde un plaisir quotidien : je prends une pause air frais /coup de téléphone à mon Américain et je vais dépenser 2.50 dollars (seulement, 1.70 euros !!!) au Starbucks local où je commande un immuable « tall non-fat misto ». J’ai pris cette habitude parce que je sais que l’on prépare ma boisson à l’identique tous les jours. En conséquence, je n'ai jamais de mauvaises surprises, and I get a bang for my buck ! Ma commande est immanquablement à mon goût : 33 cl de réconfort caféiné, avec du lait écrémé donc, et bien chaud (je sais que je ne peux y tremper mes lèvres que 5-10 minutes après commande). Je ne prends pas de risques avec mon café parce que ce n’est pas qu’un café, justement ! C’est le boost in-dis-pen-sable de mon début d’après-midi, et la bouillote qui va réchauffer mon corps grelottant à cause de l’open-space climatisé à la limite de la torture (selon mon humble opinion). La semaine au bureau, j’ai besoin de structure, de repères, alors je biberonne mon misto pendant une petite heure, telle une enfant rassurée. Béate. D’ailleurs ce n’est sans doute pas un hasard si le logo de Starbucks, avant d’être réactualisé/censuré, était une sirène aux seins nus… il y a une côté allaitement régressif que les Américains ont adopté en masse avec leur café! La semaine, mon rituel ne passe pas inaperçu, quand je croise un de mes collègues dans les couloirs, il s’exclame systématiquement « Ah coffee time ! », et commente parfois sur ma ponctualité, « You’re kind of late today ». Car c’est ainsi, été comme hiver, vers 14-15h, les baristas de Starbucks m’accueillent comme une veille copine (et j’en ai vu du turnover parmi le staff !) Les anciens préparent automatiquement ma commande dès qu’ils me voient traverser la rue d’en face, et les nouveaux prennent vite le pli ! (J’exagère à peine : lorsqu'une fois je suis restée au téléphone et ai disparu de leur champ de vision, ils ont jeté mon misto avant de se rendre compte de leur erreur lorsque j’ai franchi la porte d’entrée du Starbucks pour de bon!) Je dois presque les mettre au courant si je pars en vacances en France, je ne voudrais pas qu’ils s’inquiètent ! Et by the way, à Paris aussi je consomme chez Starbucks.

C’est un comportement d’addict me direz-vous. Oui et non, car une fois la semaine au bureau terminée, je prends Starbucks en grippe et je n’y mettrais jamais au grand jamais les pieds ! En effet, le weekend sert à se déconnecter de la routine métro-boulot-dodo, à prendre du temps pour soi (un concept que les Américains ont du mal à intégrer parfois !). Pour moi cela signifie souvent explorer des recoins de New York que je connais moins bien, ou justement arpenter mes quartiers favoris. Le weekend mon emploi du temps n’est jamais réglé comme du papier à musique… je prends mon café où et quand ça me chante ! J’expérimente avec plaisir, quitte à être déçue. Mes cafés du weekend ne sont pas toujours aussi "parfaits" que mon tall non-fat misto quotidien, mais ils sont toujours surprenants : Café glacé ! Café aromatisé ! Café au lait bio ! Mocha ! Sélection commerce équitable ! Prix extravagant !

En fait, j’adore aller chez Starbucks la semaine et je déteste y aller le weekend pour les mêmes raisons qui font que l’enseigne verte divise les esprits. D’un côté, Starbucks se veut un lieu accueillant, familier, avec un décor cosy qui rappelle un petit café de quartier, et un staff qui se souvient de votre boisson préférée. De l’autre côté, Starbucks reste une chaîne qui peut s'assimiler facilement à du fast-food : certaines branches offrent de vous servir votre café en drive-in et, en dehors des grandes villes américaines (et européennes), Starbucks se trouve essentiellement sur les parkings des mini outdoor-malls de banlieue (pour vous donner une idée, c’est comme si vous alliez chez Starbucks entre une visite chez Darty et Buffalo Grill). 

Le paradoxe peut s’énoncer ainsi : Starbucks se vante d’être une chaîne à la fois omniprésente (à New York vous ne risquez pas de marcher plus de 10 minutes sans en trouver un), et "de qualité" (processus de sélection du café soi-disant artisanal, boisson customisée selon vos moindres désirs, le client n’est pas traité comme du bétail… on vous demande même votre petit nom !). Certains critiquent véhément la chaîne implantée absolument partout aux US, mais ils sont aussi probablement les premiers à se précipiter chez Starbucks à l’étranger, sinon impossible de trouver des lattes à leur goût ! La "comme à la maison" touch reste un atout majeur pour la chaîne. Combien de clients utilisent Starbucks comme une extension de leur salon, de leur nursery, ou de leur bureau ? On y vient pour se sentir entouré, pour se laisser bercer par la musique pointue mais néanmoins grand public, pour lire le New York Times à disposition, pour prendre le goûter des enfants sans complexes, ou, comme mon Américain, pour y travailler sur son ordinateur portable. Voilà aussi pourquoi Starbucks aura toujours une place à part à mes yeux... c’est là que nous nous sommes rencontrés !

D’autres bons souvenirs :

-Une de mes premières commandes dans un Starbucks de Seattle à l’âge de 16 ans : une boisson café-chocolat glacée (je ne me rappelle plus exactement de quoi il s’agissait). A l’époque j’étais capable de partir passer un été toute seule comme une grande aux États-Unis, mais je ne buvais pas encore de café pur !

-A Paris, avec mes amies anglophones et anglophiles… Le premier Starbucks s’apprête à ouvrir en France et, ne voulant surtout pas rater l’évènement, nous nous dirigeons gaiement à l’adresse indiquée sur internet, vers Opéra. Tout ce que nous découvrons sur les lieux ce sont les bureaux de la compagnie... encore un peu de patience les filles !

-Avec mon Américaine à Paris, lors de nos retrouvailles chez elle au milieu du Colorado. On fait une pause chez Starbucks et c’est comme si on était de nouveau dans le 6e arrondissement !

-Au Starbucks ouvert 24h sur 24h en période de révisions (!) sur le campus de l’université américaine où je passe mon année à l’étranger. Avant que nous soyons engouffrées dans le rush du premier semestre, Alex me prend en photo avec une tasse de leur collection à la main (je collectionnais leurs mugs jusqu'à ce que mes déménagements répétés me forcent à les laisser chez mes parents).

-A Seattle, lors des premières vacances de Noël que je passe loin de la France. Ma "famille" américaine m’accueille complètement lessivée après une période brutale d’examens et de papers à rendre sans faute. Un latte réchauffant à la main, je suis assise à l’arrière de leur voiture géante, nous sommes en route vers la maison des grands-parents sous la neige. Le holiday spirit m’envahit… d’un coup !

-A Paris, avec toutes celles avec qui j’y ai dépensé de nombreux tickets restaurant, et passé de longues heures à parler de tout et de rien… Elles se reconnaitront : )

-A Paris, avant d’aller en cours, je me sens particulièrement cool avec mon café Starbucks à emporter à la main, mais n’ose pas l’amener dans la petite salle de classe !

-A Lyon, une de mes villes d’adoption qui a enfin ouvert un Starbucks !

- A New York avec mon Américain, le plus souvent possible. Parfois je fais exception et vais chez Starbucks même si c’est le weekend. Pour lui faire plaisir.

Rétrospective "Starbucks and me": 
In Good Company (Paul Weitz, 2004)
Waitress (Adrienne Shelly, 2007) 
Milk (Gus Van Sant, 2008)

samedi 30 avril 2011

How to spot a fake hipster


Chers tous, 

Last week I published a post on this blog (in French) describing my disillusions with "A", a former American classmate of mine that, at first, I thought was different and interesting, but who turned out to be what I’m going to call a “fake hipster”. I met "A" back when I was an exchange student coming from France (obviously!) to the East Coast, and back when I was still fairly easily impressionable… "A" had blond curly hair that would fly in the wind when he was riding his bike on the campus main walk; he wore flannel shirts and vintage Tees, and he constantly carried an Olga camera dangling around his neck. In the world of hipsters, perfect score! But as I got to know "A" better, and with the help of my anthropology-student-best-friend-with-a sharp-eye-for-judging-character, I realized that "A" was a total fake! I have now been living in New York for three years, including in the East Village, a.k.a hipsterville, and I am well-aware that coming up with a decisive definition of the concept of the hipster is almost mission impossible. And too make things even more complicated, there is a very fine line between a hipster and a fake hipster. But let me try to give you a few hints that should help with not being fooled by another "A" coming your way! 

1. The fake hipster lives in Williamsburg… once upon a time the neighborhood of hipsterdom, now a place where apartment buildings look edgy only because an interior decorator made them look that way, and where French tourists go when they want to feel cool.

The hipster lives in a neighborhood that is still gentrification-free and comparable to the Bushwick of 2009, the Williamsburg of 2000, the Bowery of 1993, the Tribeca of 1984, the Soho of 1976, the Greenwich Village of 1952…

2. The fake hipster is pale and thin, he wears ridiculous glasses and a curly mustache… basically he looks like an Urban Outfitters sales person from 2011.

The hipster is pale and thin, he wears ridiculous glasses and a curly mustache… basically he looks like an eccentric clock salesman from the 1911s*.

3. The fake hipster buys polyester clothes for hundreds of dollars in vintage stores thinking it’s a good deal.

The hipster owns a sewing machine and knows how to transform her Midwesterner* aunt’s tablecloths from the 1980s into summer dresses.

4. The fake hipster wears a beard because his girlfriend got him “Dude No. 1 Beard Oil” for Christmas (price tag: 65 dollars for 25 mml)

The hipster wears a beard because he doesn’t need to shave every day.

5. The fake hipster follows a gluten free diet, not because of her allergies, but because it will make her look like an anorexic without actually being one.

The hipster is a vegan because she genuinely cares about cruelty towards animals, and the ban on foie gras is her new crusade.

6. The fake hipster would rather spend a small fortune on an organic fair-trade triple shot soy latte from a fancy coffee place than step foot into a Starbucks café… until he finds himself on a trip abroad realizing that the only place in the whole country where he can get his soy latte is at Starbucks.

The hipster makes coffee at home, and drinks it from a mug his girlfriend made for him in pottery class.

7. The fake hipster spends 300 dollars for a night at the Ace Hotel and feels that he's living like a woodsman.

The hipster spends 300 dollars on camping equipment and supplies for a week and feels that he's living like a woodsman.

8. The fake hipster learned to speak Spanish as a kid with his nanny from Puerto Rico.

The hipster learned to speak Spanish as a college kid back-packing in Latin America with some friends.

9. The fake hipster idolizes Vanessa Paradis because she is a French “bobo” and she is married to Johnny Depp, the multi-billion dollar pirate.

The hipster didn’t know who Vanessa Paradis was until he saw her reenact the finale of Dirty Dancing in The Heartbreaker.

10. The fake hipster knows all about the bands performing at The Coachella Music Festival every year.

The hipster knows all about The Vieilles Charrues Music Festival, and dreams of going every year.

11. The fake hipster doesn’t vote because all politicians are corrupt. He is a fake anarchist and an aspiring socialite.

The hipster votes even though he knows most politicians are corrupt. He is a true activist and an aspiring socialist.

12. The fake hipster buys art.

The hipster makes art.

See the difference?

This list can go on, leave your suggestions in the comments section or on the Marion en V.O Facebook page!

*Copyright: BR
*Copyright: JL

Recommended readings:
Why the Hipster Must Die from Time Out New York
Look at This Fucking Hipster Basher from the author of The Hipster Handbook
What Was the Hipster? from New York Magazine

In French:
Anti-héros : les hipsters sur Tracks de Arte
Rétrospective How to spot a fake hipster?
Easy Rider (Dennis Hopper, 1969)
Reality Bites (Ben Stiller, 1994)
Fear and Loathing in Las Vegas (Terry Gilliam, 1998)
The Big Lebowski (Joel and Ethan Coen, 1998)
The Virgin Suicides (Sofia Coppola, 1999)
Almost Famous (Cameron Crowe, 2000)
Memento (Christopher Nolan, 2000)
Requiem for a Dream (Darren Aronofsky, 2000)
Bully (Larry Clark, 2001)
Donnie Darko (Richard Kelly, 2001)
The Royal Tenenbaums (Wes Anderson, 2001)        
Punch-Drunk Love (Paul Thomas Anderson, 2002)
Before Sunset (Richard Linklater, 2004)
Eternal Sunshine of the Spotless Mind (Michel Gondry, 2004)
Me and You and Everyone We Know (Miranda July, 2005)

dimanche 24 avril 2011

A Tale of the Hipster


Chers tous,

Si je vous dis "bobo", vous me répondez... Pansement? Wrong! La bonne réponse est bourgeois-bohème bien-sûr! Le bobo ultime pourrait être incarné par le Parisien de la rue de Charonne (enfin côté Bastille, faut pas déconner non plus!), celui qui n'a de réellement rebelle que la mèche de cheveu, et qui arbore une tenue déjà froissée-trouée avant même d'avoir été jamais portée, nonchalamment accessoirisée par une clope au bec et, surtout, un café Starbucks à la main, puisque, vu de la France, la destination bobo par excellence est New York, New York! Et, indeed, le bourgeois-bohème parisien a tellement profité de la belle époque où l'euro était beaucoup plus fort que le dollar, il a tellement traîné ses guêtres made in Comptoir des Cotonniers le long de Bleeker Street, Prince Street, Orchard Street et Bedford Avenue que ça devait finir par arriver... le bobo a réussi à s'inviter dans les pages du prestigieux New York Magazine, l'hebdo qui décrypte toutes les tendances politiques, économiques et culturelles de la grosse pomme !

NY Mag, pour les intimes, est devenu mon compagnon de route indispensable dans le métro, et remplace presque à merveille ELLE pour le fun, et Télérama pour le fond. Cette semaine, pour son édition "internationale" annuelle, on y trouve un portrait de la capitale française, version "Not For Tourists"... Un travail journalistique digne d'un instantané de Cartier-Bresson version 2011, qui m'a fait un plaisir fou parce qu'avec mes bientôt trois ans à New York, je suis au moins autant branchée sur ce qu'il se passe au cœur de Paris que les habitants du 16e: ) Et comme toujours, le magazine ne déçoit pas, tout y passe: Marine Le Pen, Martin Parr à la Goutte-d'or, Le Baron et... le bobo, donc, sous la forme d'un "illustrated guide"! Je tenais à souligner cet exploit parce que, même pour les sociologues français modernes, le bobo est un concept pratiquement indéfinissable, un paradoxe intrinsèque, puisqu'on peut difficilement associer deux entités plus opposables que le bourgeois et le bohème!

On rencontre le même problème de définition avec l’équivalent du bobo aux États-Unis, une créature urbaine typiquement new yorkaise, et plus particulièrement brooklynite: j'ai nommé le hipster. Un concept pourtant devenu ici tellement familier que le New York Times a demandé à ses journalistes d'en refréner l'usage dans leurs pages! Le hipster, tout comme le bobo, se démarque à première vue par ses choix vestimentaires ultra-stylés et androgynes, que l'on pourrait qualifier de "rétro-gardistes" (beaucoup de vintage) mais, à la différence de Paris, le hipster garçon ou fille est souvent couvert de tatouages (cela m'a absolument sauté aux yeux lors de mon arrivé New York à l'été caniculaire 2008)... Le hipster possède un tempérament d'artiste, ou tout au moins de créateur de tendances, et un comportement alternatif, sans être asocial. A la fin de mes années collège, avant même d'avoir mis les pieds à New York, et encore moins à Brooklyn, mon obsession pour Leonardo DiCaprio et les surfeurs a commencé à s'estomper, et j'ai développé un faible pour Jared Leto et "tous ces Américains qui ont l'air cool" (le terme "hipster" n'avait pas encore envahi le langage courant à l’époque). Je lisais déjà les récits trash d'Hubert Selby Jr. (l'auteur de Requiem for a Dream), et j’étais fan absolue du premier film de Sofia Coppola, Virgin Suicides. A chacun sa crise d'ado n'est-ce pas!

C'est pourquoi quand je suis arrivée pour de bon sur la côte Est des États-Unis pour faire une année d’échange universitaire, j'ai eu du mal à trouver mes marques parmi les Américains cliché-esque que je côtoyais sur le campus, car ils ne ressemblaient pas du tout à Jordan Catalano! Carrure de footballer (à ne pas confondre avec la taille fine du joueur de "soccer"), fringues informes aux couleurs de l'école, et tongs en plastique même par temps de pluie, étaient de rigueur. Alors, sans surprise, les étudiants qui m'ont immédiatement tapé dans l’œil étaient les plus "hipster" d'apparence. Chez les filles, il y avait la célèbre J. du cours d'histoire d'art moderne, l’étudiante aux mille chapeaux et au sac de gym en nylon qu'elle utilisait comme cartable bien avant qu'American Appareil ne lance la mode. Chez les garçons, je guettais ceux qui arboraient sur la promenade principale du campus un signe certain de hipsterism aigu: le pantalon retroussé sur un mollet (mais attention, un seul mollet!)... tous ceux qui possèdent un vélo en ville savent de quoi je parle! Bien sûr, tout cela ne constituait que des indices superficiels, et après la phase d'observation, il était temps pour moi de passer à l'action!

J'ai rapidement jeté mon dévolu sur A., un petit Californien aux boucles d'or qui trimbalait constamment son appareil photo Olga en bandoulière. Nous n'avions aucun cours ou amis en commun, mais je comptais au max sur ma French touch pour lui laisser une impression mémorable lors de notre première rencontre au labo photo. Pari réussi sans trop de difficulté, sachant par exemple qu'il me suffisait de ne pas m'habiller en pyjama et veste polaire en public, comme la plupart des autres étudiantes, pour passer pour une fashionista locale! Le campus était un tout petit monde et j'ai vite appris à tomber "par hasard" sur A. à la sortie de son cours de philo, à la section audiovisuelle de la bibliothèque, ou encore à la terrasse d’Au Bon Pain café…

A chaque fois, mon hipster avait l'air ravi de me voir et mon côté fleur bleue interprétait dans ses attentions des signes qui ne trompaient pas: il m’embrassait sur les joues plutôt que de me faire un hug basique à l’Américaine, il me recommandait tel ou tel prof pour le deuxième semestre, il me proposait même d’emprunter un de ses appareil reflex qu’il n’utilisait plus pour mes travaux du cours photo… Mais je commençais à m'impatienter et,  pour accélérer un peu le processus, je décidais de tenter une approche oh-so-hipster : j’acceptais l’offre de prêt d’appareil photo de A. en coinçant un petit message écrit de ma plus belle plume sur son vélo. En conséquence, j’obtenais son numéro de téléphone et décidais de lui proposer de se joindre à mes amis des quatre coins du monde lors de  l’une de nos prochaines virées de groupe. Je donnais à A. l’embarras du choix : soirée en boite downtown  le jeudi ; soirée tranquille dans le seul bar du campus interdit aux moins de 21 ans le vendredi ; pre-game chez Pablo l’Espagnol puis fraternity party chez Pablo le Colombien le samedi ; ou brunch le dimanche (clairement, j’ai atteint mon pic en terme de sorties nocturnes lors de mon année à l’étranger !) A. était toujours aussi aimable avec moi mais ne s’est jamais joint à nous...

Entre temps, j’avais rencontré celle qui allait devenir pour les années à venir ma meilleure amie américaine, une étudiante qui détonnait sur le campus sans pour autant partager de points communs avec le groupe des hipsters, si ce n’était un intérêt pour le yoga bikram ! Contrairement à A.,  elle s’était intégrée avec enthousiasme dans la bande des étudiants étrangers. Et, particularité tout à son honneur dans une Université dominée par une école de commerce et une école de médecine, elle s’était spécialisée dans un domaine qui allait se révéler fort utile pour moi : l’anthropologie. En effet, elle était devenue très perceptive et, comme on dit en Anglais, she could read people very well… Lorsque nous étions assez proches pour que je lui fasse part de mes frustrations avec A., je lui expliquais que je ne comprenais pas pourquoi il ne semblait pas désireux de mieux me connaitre ou de rencontrer mes amis. Elle ne prit pas de gants pour m’annoncer qu’elle le trouvait "obnoxious" (prétentieux). Surprise par ce commentaire, je lui répondis que j’avais interprété son détachement général comme un aspect zen de sa personnalité "hipster". Aussitôt, elle me délivra le coup de grâce : « Marion, can’t you see ? He’s not a real hipster ! » Elle continua son explication (je traduis) : « Il vient d’une famille très riche, se donne plus de mal que nécessaire pour se détacher de la masse des étudiants qui sont pourtant issus du même milieu privilégié que lui, il se croit supérieur aux autres… c’est un faux hipster ! » Un faux hipster ? Mais c’est bien sûr !

Soudain je me demandais comment j’avais pu avoir un faible pour A. tout ce temps ! Je réalisais que son aura de coolitude était savamment travaillée à coup de chemises en flanelle à la Kurt Cobain, le désespoir en moins et le prix exorbitant en plus ; et que, s’il faisait du vélo, ce n’était sans doute pas pour préserver l’environnement mais plutôt pour ne pas avoir à dire bonjour aux moutons qui se rendaient en cours à pieds, comme tout le monde. Ma dernière rencontre avec A. acheva de me convaincre que mon amie avait vu clair dans son jeu. Nous étions sur le point de finir l’année scolaire et, peut-être parce que c’était désormais moi qui l’ignorais (ce qui avait dû froisser un tantinet son ego), A. m'interrogea sur mes projets futurs d’un air presque sincèrement intéressé. J’évoquais alors mon envie de continuer à étudier l’histoire du cinéma américain et mon projet professionnel fraîchement défini de travailler dans une institution culturelle. A. semblait perplexe. Après quelques instants de silence, il me demanda le plus sérieusement du monde « Mais Marion, vraiment, qu’est-ce que tu veux faire dans la vie ? »… Je n'aurais pas dû être surprise et juste m'éclipser à ce moment-là, mais j'étais curieuse de savoir ce que A. lui allait faire de sa vie après la fin de ses études. Il commença à me parler d'une retraite dans le Colorado pour être plus proche de la nature et de continuer à faire des photos, bla, bla bla. Peut-être qu’A., était sincère. Ou peut-être qu’A. venait de lire Into the Wild. Laissons-lui le bénéfice du doute…

Quelques mois plus tard, je déménageais à New York, la capitale de la planète hipster par excellence, bien décidée à ne pas me faire avoir une deuxième fois…

Dans un article à venir très prochainement sur ce blog, je vous ferai part de mes astuces pour distinguer le vrai hipster… du faux ! (Et en bonus, ma traditionnelle liste de films liés au sujet)

mercredi 23 mars 2011

Who's Afraid of Elizabeth Taylor?

Elizabeth Taylor and Richard Burton, Photo:  Life Magazine

Chers tous,

Elizabeth Taylor, so long. Elle était l’une des dernières légendes vivantes du cinéma classique hollywoodien, et mon côté cinéphile nostalgique en a pris un coup aujourd’hui. J’ai découvert ses “yeux violets” en Technicolor dans le film Ivanhoé que mon frère et moi nous repassions en boucle étant enfants. Quelques années plus tard, je me suis penchée avec attention sur certains autres des films qu’elle a tournés dans les années 1950. Si vous n’avez pas encore vu Cat on a Hot Tin Roof, il n’est pas trop tard pour bien faire ! Je me permets de publier ici un extrait de mon mémoire de fin d’études qui portait sur l’image de la femme au foyer dans le cinéma américain de l’après-Seconde Guerre mondiale. Cela ne vous surprendra peut-être pas de lire que la personnalité de la femme aux huit (!) mariages a transcendé des personnages de “femme de” qui lui étaient offerts à l’époque. Elizabeth Taylor restera pour moi une figure de l’anticonformisme féminin, une desperate housewife qui ne se laissait pas faire…

Le poids des dynasties sudistes : Produire un héritier

Dans Cat on a Hot Tin Roof et Giant, Elizabeth Taylor incarne une jeune épouse devant s’intégrer dans la famille étendue de son mari, et dont la tâche suprême est de prolonger la descendance.

Dans Cat on a Hot Tin Roof, Elizabeth Taylor joue Maggie, la femme d’un héritier d’une famille du sud, Brick Pollitt (Paul Newman). Si elle est capable de tenir tête à son époux, de le provoquer et de le défier pour tenter de le faire sortir de sa torpeur alcoolisée, ses rapports avec son beau-père son plus traditionnels. D’un côté, elle voudrait le satisfaire et tomber enceinte, ce qui par ailleurs prouverait que son mari a encore du désir pour elle. De l’autre, elle méprise profondément la seconde belle-fille de la famille Pollit qui a accouché de cinq enfants insupportables et qu’elle surnomme le “monstre de fertilité”. Maggie est prête à tout pour reconquérir les faveurs de son mari. Elle tente même de le rendre jaloux en flirtant avec le pater familias que tout le monde surnomme Big Daddy (Burl Ives). Mais celui-ci ne voit en sa belle-fille séductrice, Maggie “the cat”, qu’une mère potentielle : « Si c’est moi qui avait été marié à toi pendant trois ans, tu aurais eu la preuve vivante de mon amour, trois gosses et un quatrième dans le tiroir ! ».

Chez les Pollit, sexualité rime avec fécondité, c’est pourquoi Maggie détonne dans le paysage. Elle est incroyablement aguicheuse mais reste sans enfants. Le film fait planer des doutes sur la “virilité” de Brick, mais du point de vue des parents de ce dernier, c’est la faute de Maggie. Big Momma (Judith Anderson) lui demande avec rudesse : « Brick a commencé à boire depuis qu’il est marié. Est-ce que tu rends ton mari heureux ? ». Ce à quoi Maggie la rebelle répond aussitôt : « Et moi alors, personne ne me pose la question ? ». Mais la belle-mère de Maggie insiste : « Quelque chose ne va pas. Tu n’as pas d’enfants et mon fils boit ! Quand un mariage fonctionne, c’est au lit ! ». Ce genre de commentaire peut faire penser aux pressions qui s’exerçaient sur les épouses des rois d’Europe pour procréer à tout prix et donner naissance à un fils. Pourtant, l’autre belle-fille Pollit n’est pas choquée par cette vision rétrograde de la maternité : « Je suis fière de pouvoir dire qu’il y a une dynastie prête à prendre le relais grâce à moi ! ».

Dans cette famille aux valeurs traditionnelles, l’obsession des grands-parents est leur descendance, mais, paradoxalement, Big Daddy ne peut pas supporter les petits-enfants déjà venus agrandir la famille. Il semble toujours dans l’attente d’un héritier qui pourra assumer pleinement le nom familial et compte sur Brick et Maggie. Le couple a donc la charge importante de perpétuer la descendance, mais ne peut mener à bien cette tâche. Brick demande ainsi à sa femme : « Et comment tu vas faire avec un homme qui ne peut pas te supporter ? ». Maggie lui répond : « C’est mon problème ! J’y travaille… ». Finalement, la pression est si forte que Maggie fait le mensonge pieux d’une grossesse imaginaire, renouant par la même occasion avec son époux. 

Dans Giant, Elizabeth Taylor incarne à nouveau une épouse qui doit apprendre à vivre dans une famille aux valeurs conservatrices. Elle interprète Leslie, une jeune femme issue de la bonne société de la côte est des États-Unis. A la suite de son mariage avec Bick Benedict (Rock Hudson) qui possède un ranch au Texas, elle déménage et tente de s’adapter à un environnement initialement hostile. En effet, la soeur de Bick, Luz (Mercedes McCambridge), a du mal à s’accommoder de cet élément intrusif. Mais Leslie ne se laisse pas faire : « Je ne peux pas être une invitée dans la maison de mon propre mari ! ».

Elizabeth Taylor dans Giant (Warner Bros. Pictures) 

Cependant, elle abandonne volontairement une partie de son indépendance : acte symbolisé par l’exécution de son cheval, indomptable, qui a causé la mort de Luz. Elle essaye ainsi de faire plaisir à son époux, même si celui-ci a des vues assez réactionnaires sur la place des femmes en société. Par exemple, lorsque Leslie essaye en vain de prendre part à une conversation politique, elle est rapidement découragée : « Messieurs, vous vous comportez comme des hommes préhistoriques ! Qui a-t-il de si masculin dans votre sujet de discussion pour qu’une femme ne puisse intervenir ? ». Bick est très en colère que sa femme ait ainsi empiété sur son autorité.

Elizabeth Taylor dans Giant (Warner Bros. Pictures)

Néanmoins le couple trouve rapidement son équilibre, notamment quand Leslie annonce sa grossesse. Cette prérogative féminine constitue un devoir, mais surtout un pouvoir, réservé aux femmes. Le personnage joué par Elisabeth Taylor réussit à s’imposer face à Bick, mais son domaine d’intervention reste limité : les quartiers pauvres non loin du ranch et l’intérieur de leur maison. Même si, pour reprendre la remarque de Peter Biskind à propos de Pillow Talk, ce domaine n’est pas totalement insignifiant : « La décoration intérieure devient une métaphore de la capacité d’une femme à transformer un monde masculin, à modeler ses valeurs à son image à elle. »1. L’auteur ajoute que le film Giant célèbre la décrépitude du système patriarcal. Comme Bick finit par le dire à sa femme à propos de leur vie commune ou de l’éducation des enfants : « Fais comme bon te semble… »

Dans ce film, Elizabeth Taylor se rapproche autant que possible du modèle de la femme rebelle. Elle est capable de s’adapter lorsqu’elle devient membre d’une famille aux traditions ancestrales, sans pour autant renoncer à son droit d’émettre une opinion anticonformiste. Elle réussit à infléchir les idées conservatrices de son mari, accompagnant ainsi la transformation de la dynastie Benedict : la deuxième et la troisième génération ont une plus grand ouverture d’esprit. Dans les années 1950, Elizabeth Taylor réussit peut-être à reprendre le flambeau d’un certain type de personnages féminins, affirmés, indépendants qui semblaient avoir disparu des écrans depuis les années 1930. Dans les années de guerre froide, elle fait parfois figure d’exception, réussissant par exemple à incarner une héroïne qui ne plie jamais face aux hommes qui l’entourent dans A Place in the Sun, Giant, Cat on a Hot Tin Roof et Suddenly, Last Summer. Marjorie Rosen affirme que:

seule parmi les jeunes épouses, elle servit de figure positive sur grand écran pour le public féminin, incarnant une jeune femme aimante capable d’exprimer ses besoins et ses désirs. […] Et c’est cet ego, cet impatience, et cette implication personnelle, qui détonnaient avec les personnages trop parfaits de martyrs désintéressés… sanglotant et soufrant pour les hommes plutôt que pour elles-mêmes2.  

1. BISKIND, Peter, Seeing is Believing: How Hollywood Taught Us to Stop Worrying and Love the Fifties, New York, Henry Holt, 2000, page 290-291.
2. ROSEN, Marjorie, Popcorn Venus: Women, Movies and the American Dream, NewYork, Coward, Mc Cann and Geoghegan, 1973, page 264. Citée par BYARS, Jackie, All that Hollywood Allows: Re-Reading Gender in 1950s Melodrama, Chapel Hill, the University of North Carolina Press, 1991, page 98. 

Rétrospective:  "Who's Afraid of Elizabeth Taylor?": 
Father of the Bride (Vincente Minnelli, 1950)
A Place in the Sun (George Stevens, 1951)
Ivanhoe (Richard Thorpe, 1952)
Giant (George Stevens, 1956)
Cat on a Hot Tin Roof (Richard Brooks, 1958)
Suddenly, Last Summer (Joseph L. Mankiewicz, 1959)
Who's Afraid of Virginia Woolf? (Mike Nichols, 1966)

samedi 12 mars 2011

Recherche New Yorkaise désespérément: Chapitre 1


Chers tous,

Comme toute New Yorkaise qui se respecte, j'ai plusieurs divorces derrière moi. Attention je ne parle pas de ma vie sentimentale, je parle de ma vie en colocation. Depuis mon arrivée à New York, ayant toujours été pourvue d'un budget limité (je travaille dans une NON-profit association), et dépourvue d'une line of credit rassurante (traduction ici), je fais de la sous-location. C'est extrêmement courant dans cette ville où les baux sont d'une durée minimum obligatoire d'un an, sans option de rupture avec préavis de départ. Pour en savoir plus sur mes colocations précédentes, toutes plus rocambolesques les unes que les autres, c'est par ici, mais pour l'instant, je dois vous parler de l'une de mes colocataires actuelles. Parce que ce c'est une New Yorkaise. Une "vraie". Même pas importée comme mes colocataires précédentes. Je ne m'entends pas mieux avec elle qu'avec les autres, malheureusement... C'est une question de personnalité, certes. Disons que je suis une colocataire awesone "si et seulement si" (pour utiliser un terme de mon bac S) vous me le rendez bien. Mais c'est aussi une question de culture.

Je vais donc en profiter pour tenter d'esquisser un aperçu de la New Yorkaise dans son habitat naturel. Je vous préviens tout de suite, ce portrait sera forcement une généralisation inexacte (je ne suis pas une sociologue armée de chiffres!), bien que j'ai quelques enquêtes de terrain derrière moi! Premièrement, j'ai passé un an dans une université Ivy League de la Côte Est. Étudier et m'intégrer à la vie d'un campus américain était une expérience que me tenait à cœur, je l'ai vécue pleinement. L'Université en question ne se situe pas à New York même, mais la majorité de ses diplômés y atterri, (et la majorité de la majorité à Wall Street). Je croise ici par hasard des visages familiers régulièrement, ou inconnus, courant sur les bords de la rivière avec le pull à capuche aux couleurs de notre ancien college. Deuxièmement, le stage, puis job, que j'ai trouvé à New York m'a immédiatement catapulté dans un environnement professionnel entièrement américain. Enfin, et ça c'est le plus important pour moi, ma meilleure amie "locale" est une New Yorkaise pure souche, une autochtone à la fois typique et merveilleusement unique en son genre; et mon meilleur ami sans "e", mon boyfriend pour utiliser la terminologie américaine, n'est pas seulement mon Américain, il est plus précisément un New Yorkais born and raised. Conclusion: je suis une Française qui  passe souvent des journées entières sans avoir une seule conversation en Français...

Pourquoi vous parler de la New Yorkaise? Parce qu'elle est encore plus voyante, bruyante et fascinante que le New Yorkais (même si, cela va sans dire, mon Américain m'a très fortement tapé dans l'œil la première fois que je l'ai vu!). Alors, éliminons tout de suite les abominables clichés avec un petit  ping-pong culturel où tous les coups sont permis. Vue de la France, la New Yorkaise est une créature pulpeuse, qui parle fort, qui a les dents grandes et blanches (pour mieux te manger mon enfant!), les cheveux longs et lisses, qui est prompte à l'enthousiasme excessif, qui est superficiellement chaleureuse, et chaleureusement naïve. Vue des États-Unis, la Parisienne est hyper sexuelle mais pas très sexy (une rumeur persistante nous décrit comme sales et poilues!), snob, voire mal polie, elle reste mince sans effort et sans se priver, et elle sait nouer un foulard comme personne. Forcement il y a un peu de vrai (pas de fumée sans feu, dirons-nous), mais tentons un portrait-mosaïque que, j'espère, la New Yorkaise qui parle Français (si si, il y en a) lira avec autant de plaisir et de titillement que j'ai ressenti en lisant ce livre d'une Américaine ayant vécu à Paris: Entre nous. 

Observation #1: La New Yorkaise ne craint pas les variations de températures extrêmes.

Pour tout anthropologue en herbe, il s'agit d'une observation de base: en général, ce que la New Yorkaise a, (ou n'a pas) sur le dos saute aux yeux dès que l'on sort de chez soi. Je dis bien en général, car il y a toujours des exceptions, prenez par exemple mon Papa qui, en visite à New York, a plutôt tendance à observer le style architectural dans les rues, et la population ornithologique dans les parcs (et là c'est le moment de me rétorquer que pour certaines, les New Yorkaise sont des pintades...) Anyway, je m'égare. Ce que je voulais dire c'est que--et au moins toutes les lectrices assidues de ELLE, seront d'accord avec moi je pense--mis-à-part la couche vestimentaire supplémentaire obligatoire qu'exhibe la New Yorkaise par temps de neige, si on pouvait la déshabiller comme un oignon (fantasme de certains, I know), on se rendrait compte que, quelle que soit la saison, la New Yorkaise porte toujours les mêmes vêtements de base, les basics. Elle est une inconditionnelle du legging, du petit haut avec un pas petit décolleté, et du sous-vêtement Victoria's Secret (je précise que mes observations de visu s'arrêtent avant d'atteindre cette sous-couche).

Or, toute personne qui a passé un tant soit peu de temps de ce côté-ci de l'Atlantique s'accordera avec moi pour dire que la météo locale est rude! Alors elle fait comment la New Yorkaise? En été, elle se régale avec la clim' au bureau, au Starbucks, au supermarché, à la salle de sport, au cinéma, en voiture etc. (vous avez pigé le truc), et, si elle doit affronter la température extérieure, elle se munit d'un café glacé. En hiver, quand le mercure commence à descendre, elle se love dans ses Ugg boots. Pour les occasions casual ou spéciales, été comme hiver, elle continue de porter des leggings sans rien par dessus la journée, et des robes sans rien par dessous le soir.

J'ai beau être parfaitement aware (comme dirait JC Vandamme) de toutes ces astuces, moi personnellement je ne résiste pas aussi bien que la New Yorkaise aux variations extrêmes de températures. Parfois, notamment au mois de Juillet, j'ai violemment chaud (à essayer, les plateformes de métro); mais la plupart du temps, j'ai désespérément froid, car à mon bureau il règne une température constante de 70 degrés Fahrenheit qui, au bout de quelques minutes passées immobile (forcément) devant mon ordinateur, me transperce systématiquement! Alors voici où cette observation me mène: après plusieurs étés et hivers passés dans la grosse pomme, j'en conclue que la New Yorkaise a le sang plus chaud que la moyenne. Bien sûr, la confirmation de cette hypothèse nécessiterait un examen sanguin, ce qui est au dessus de mes compétences de bloggueuse-apprentie-sociologue.

Cependant, quand on y pense, à la différence du Français où l'on utilise le verbe avoir, en Anglais, on dit I am hot or cold, comme si c'était un état permanent. Ah! Je vais vous laisser méditer sur ces subtilités sémantiques, mais avant cela, je me dois quand même de tirer la sonnette d'alarme. En effet, selon moi, l'indifférence de la New Yorkaise face aux changements de températures extrêmes est un véritable problème politique. Pourquoi selon vous les Américains sont-ils en moyenne moins sensibles que nous aux conséquences du réchauffement climatique? Et bien c'est peut-être parce qu'avec leur über température corporelle, ils ne sont pas capables d'imaginer, ne serait-ce qu'à l'échelle individuelle, ce que cela peut vouloir dire. C'est très grave! Blague à part, si j'en entends encore un (et là, en l'occurrence, il s'agissait du petit ami d'une New Yorkaise) me dire qu'il ne croit pas au réchauffement climatique, je lui envoie Al Gore pour vraiment lui mettre le chaud aux fesses ...

Note pour la Française: bien s'accrocher à sa petite laine.

Observation #2: La New Yorkaise n'a rien à cacher.

Prenons un cas d'étude que j'aurais préféré observer de loin... Pendant tout l'été dernier, ma colocataire New Yorkaise a fait le choix de dormir sur le canapé-lit du salon, sacrifiant ainsi toute forme de privacy, afin de profiter pleinement de l'air conditionné, absent dans sa chambre (en ce qui concerne la dépendance à la clim', voir Observation #1). N'oublions pas de mentionner qu'à cette époque là, elle vivait avec son boyfriend, un étudiant qui dormait plus tard que tout le monde. Du coup le matin, je devais me faufiler telle une carpe entre leur "lit" et le meuble télé pour accéder à la cuisine, avec vue sur le boyfriend précédemment mentionné, étalé sur le dos comme mon chien Snoopy quand il dormait d'un sommeil de bienheureux! Tout ça pour vous expliquer que les frontières du pudique sont bien plus poreuses dans ce pays. Un comble quand on sait que les Françaises ont la réputation d'avoir un comportement "de proximité" (promiscuous en V.O, si vous voyez ce que je veux dire). Et il en va ainsi pour la salle de sport (les seins nus des Frenchies à la plage peuvent aller se rhabiller!), la rue (voir Observation #1, again), la maison donc, et même le bureau, où je ne supporte plus qu'on m'informe, directement ou indirectement par la magie de l'open-space, des maladies du chat, des enfants, ou de la mort des proches de mes collègues.

Note pour la Française: abandonner le slogan "pour vivre heureux vivons cachés"?
  
Observation #3 et suivantes: Comme j'ai encore beaucoup de choses à dire à propos de cette intrigante, la New Yorkaise, je vous propose de lire la suite dans le Chapitre 2. Et, en attendant, tous vos commentaires sont les bienvenus! 

Rétrospective: "Recherche New Yorkaise désespérément: Chapitre 1":
The Women (George Cukor, 1939)
Desperately Seeking Susan (Susan Seidelman, 1985)
The Day After Tomorrow (Roland Emmerich, 2004)