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mardi 5 mars 2013

Just sit back, relax, and enjoy the ride


 Chers tous,

"Pas de nouvelles, bonnes nouvelles". C'est très certainement ce que vous avez dû vous dire en constatant que je n'ai pas actualisé ce blog depuis mon départ des États-Unis. Moi-même je suis assez fan de ce proverbe, surtout lorsqu'il s'agit de rassurer des amies qui attendent les résultats d'un examen, ou lorsque la semaine dernière je n'ai pas reçu mon ELLE dans la boîte-aux-lettres. (Turns out, je suis une innocente victime du mouvement de grève des messageries de la presse, welcome back to France!). Mais vous me voyez venir, et ceci ne sera pas un article sur le mode, "Ah c’était mieux là-bas !" (je bassine déjà assez mes proches en commençant une phrase sur deux par "Oui, mais les New Yorkais, eux au moins..."), ceci sera un article pour d'abord vous dire merci. Vos compliments et encouragements ici, et même , m'ont beaucoup touchée et inspirée. Je n'ai pas l'intention de continuer à alimenter un blog sur la vie à New York maintenant que je n'y habite plus—c'est aussi simple que de ne plus sortir quotidiennement des dollars de son portefeuille, de ne pas marcher dans la neige déposée sur Manhattan par Nemo, ou de ne pas regarder les Oscars entre amis en direct à cause du décalage horaire—mais je ne lâche pas la plume (le clavier) et je vous tiendrai au courant...

Vous vous demandez sans doute comment je vis mon retour en France. Et bien, pour être franche, je n'imaginais pas pouvoir être concernée par le "choc culturel inversé". J'ai déjà vécu plusieurs fois aux États-Unis, j'y revivrai peut-être un jour, no big deal. Comme je vous l'ai déjà dit, je suis une bête à deux têtes. Pourtant, comme par hasard, à peine étais-je descendue de l'avion que tout le monde ne semblait que parler des problèmes de ré-acculturation (et ses variantes : la ré-intégration sociale, la ré-insertion professionnelle, la ré-acclimation en région tempérée océanique... le Français revenant de l’étranger souffre de nombreux maux). Moi je réfutais le terme d'impatrié défini par un journaliste du Monde, même si je me retrouvais dans l'excellent article de mon amie The Travelin' Girl. Lorsque, dans mon entourage plus ou moins proche, on me demandait, "Alors pas trop désespérée d’être rentrée ?" (quelle question!), je répondais avec un sourire indulgent, "Non pas du tout !" Moi la maline, je pensais pouvoir échapper aux effets indésirables liés à la fin de mon expatriation new yorkaise, comme j'avais cru pouvoir garder le contrôle lors de ma rupture avec mon ex-Américain préféré.

Ma première stratégie fut de gérer de façon obsessive–compulsive mon départ de New York. Cela m'a demandé beaucoup de temps et d'efforts, but I would not have it any other way. Je n'ai pas mono-maniaquement arpenté The Grid, même s'il fut un temps où, après mon premier emménagement dans le East Village, je pensais que ce serait une bonne idée, pour vraiment découvrir le quartier, que de parcourir de façon systématique chaque rue entre 4th Avenue et Avenue A, et entre Houston Street et 14th Street, soit environ très exactement 56 blocks. Yes, I know. Le jour même de mon licenciement, complètement hébétée mais fidèle à moi-même, j'ai fait une to do liste à deux entrées (selon l'ordre de priorité et par sujets thématiques). Yes, I know. Rien n'a été négligé. J'ai éteint la lumière, j'ai débranché le frigo, j'ai fermé la porte à clé, et j'ai vérifié que j'avais bien fermé la porte à clé... de ma vie à New York. 

Hélas, cette stratégie n'est pas infaillible, et il faudra quand même préciser que, dans ces tous derniers moments avant de partir, ceux qui restent à jamais gravés dans votre mémoire, je n'en menais pas large. Pour vous resituer la scène... Au premier plan, il y avait moi, frantic et trempée de sueur après avoir enfilé tous les vêtements qui n'avaient pas leur place dans l'une de mes quatre valises, après avoir passé rapidement l'aspirateur dans ma chambre par politesse pour sa future occupante, et après avoir tâché de descendre toute seule 100kg (donc) de bagages sur le trottoir. En arrière-plan on pouvait apercevoir mon colocataire, aussi akward qu'à son habitude, auquel j'ai dis au revoir non moins akwardment. Et, déboulant côté jardin just in time, ma new yorkaise préférée, réquisitionnée pour me tenir compagnie dans une SuperShuttle où, pendant tout le trajet jusqu’à l’aéroport, nous nous sommes raconté nos vies comme si nous étions seules au monde (et si vous connaissez le principe de la SuperShuttle, la salle était comble !).  

Au final, j’espère que les Américains me laisseront revenir parce que je me suis comportée comme une "déportée" modèle. Je n'ai même pas protesté lorsque j'ai réalisé que j'allais voyager en "Economy Premium", une upgrade très certainement due à mes quatre valises précédemment citées. J'ai d'abord eu un mouvement de panique en apercevant ce siège bien trop grand et confortable pour moi, convaincue de m’être trompée d'avion. Yes, I know. Une petite coupe de champagne a eu raison de mes appréhensions. Il ne me restait alors qu'une dernière chose à faire avant d'arriver en France, "just sit back, relax, and enjoy the ride".

Ma deuxième stratégie fut de me shooter à la compagnie de mes amis de New York. J’espérais sans doute ainsi qu'ils me manqueraient moins maintenant qu'un océan nous sépare. J’espérais. J'ai d'abord organisé deux brunch chez moi, à une semaine d'intervalle pour être sure que tout le monde soit disponible à l'une ou l’autre des dates. Ainsi, j'ai enfin pu sortir toutes les nappes que ma mère avait jugé indispensable de m'envoyer au fil des années ; j'ai préparé du café dans la French press abandonnée par ma colocataire précédente (French, elle aussi) ; j'ai servi de la brioche maison préparée pour le plaisir (et pour vider mes placards) ; je me suis assise parmi mes invités ; et je n'ai pas vu le temps passer. Deux fois ! 

Les occasions de se voir avant mon départ ont été heureusement bien plus nombreuses que cela, et toutes inoubliables : après-midi entre filles à la Doughnut Plant de Chelsea ; birthday party dans le Meatpacking district ; soirée pizza sur un rooftop de Midtown ; dégustation des célèbres pork buns de Momofuku dans le East Village ; fundraiser pour Obama dans le West Village ; ballade en roller à Prospect Park ; beer and sushi night avec vue sur la Hudson River ; soirée au Brooklyn Bowl  sans mettre une seule quille à terre ; Apéro blog dans le quartier de Bushwick ; French Geek night chez Bubbles à TriBeCa ; cours de cuisine coaché par un ami ; cours de body-pump coaché par une amie ; soirée Halloween sur le thème "orange" à Williamsburg avant Sandy ; bar éclairé aux chandelles dans la "dark zone" pendant Sandy ; potluck dinner près de Central Park pour débriefer après Sandy (pour ceux qui ne lisent pas ce blog, Sandy c'est une amie que j’espère ne plus jamais revoir !) ; Thanksgiving avec ma famille américaine... Il se reconnaîtront. Autant de moments exceptionnels et on-ne-peut-plus quotidiens de ma vie à New York. Alors j'ai fait de mon mieux pour en profiter sans penser au lendemain, à la YOLO comme disent les Parisiens (You Only Live Once). J'ai essayé de ne pas décompter les jours. J'ai oublié de prendre des photos. Je suis arrivée en avance pour fêter ma dernière soirée new yorkaise, paradoxalement encore plus heureuse que lors de ma première soirée dans la grosse pomme, presque 5 ans plus tôt. En 2008, il y avait moi, petite Française déposée en taxi sur Carmine Street avec seulement deux valises (!), déjà émerveillée par la ville, mais riche de beaucoup moins d'amis. I miss you guys.

Ma troisième stratégie fut de faire des choix. Accepter le fait que, si à Hollywood "you're only worth your last movie", à New York, "you're only worth your last meal". C'est-à-dire qu'il est tout simplement impossible de connaître la ville à fond, autant pour les touristes que pour les locaux. Il y a un turn-over constant, et presque effrayant, de nouveaux restaurants à tester, de nouvelles attractions à découvrir, de nouveaux paysages urbains à explorer. Même armés de votre bible TONY, de votre boussole iPhone, et guidés par les apôtres blogueurs (telle l’enthousiasmante Jeanne), vous n'atteindrez jamais le sacré Graal. Au mieux vous aurez réussi à trouver une table libre dans ce restaurant devenu une scene incontournable. Ainsi, le New Yorker est un être un peu delusional, porté jour après jour par une passion intacte à relever ce défi infini et irréalisable, celui de conquérir sa propre ville. Because, what else ? 

Mon temps étant devenu limité, il a donc fallu faire des choix. Je n'ai pas, telle une candidate survoltée de Fort Boyard, rempli de pièces d'or mon T-shirt, les mes poches de mon jean, ET ma culotte. Je n'ai pas essayé de faire tenir New York dans ma valise, pardon, dans mes quatre valises. Cela ne m'a pas empêchée de prendre du temps pour arpenter la ville en long, en large, et en upsate, (je vous recommande chaudement le musée de Beacon), le tout en bonne compagnie, (Clémentine, I'm looking at you). Mais avec un pincement au cœur car, avant même de quitter la grosse pomme, je me savais déjà hors-compétition.  

Lors de ma dernière journée complète avant de prendre l'avion, je me rappelle avoir simplement suivi mes envies, même celles qui n’étaient pas sur le menu, comme les pancakes lemon-ricotta-raspberry au Essex Street Market. J'ai ensuite commandé un mocha à emporter chez 88 Orchard ; j'ai fait un aller-retour sur le pont de Williamsburg pour admirer encore une fois la skyline de Manhattan ; je me suis retrouvée à traverser le plateau de tournage d'un film ou d'une série TV à Soho ; et j'ai finalement atterri à "All Good Things" (indeed!) juste pour le plaisir d'observer les gens autour de moi. Puis je suis rentrée, j'ai mis une robe, j'ai mis du rouge à lèvres, j'ai mis mes larmes en mode "démarrage différé", et je suis allée profiter de mes amis réunis dans un bar du East Village. Drink and be merry. 

Mon ultime stratégie fut, wait for it, wait for it, de faire en sorte d'avoir les ongles toujours manucurés jusqu’à mon départ. Voila, ça c'est dit.

Il est maintenant temps de faire le bilan de la méthode Marion en V.O pour éviter le choc culturel inversé. Comment s'est passé mon retour en France ? 

J'ai d’abord été frappée par la Noël-ite aiguë (si si, vous savez exactement de quoi je parle, de cette irrésistible envie de décorer l'arbre familial, de manger les meilleurs repas de l’année, et de regarder des DVD au coin du feu). Puis ces symptômes se sont estompés, 2013 est arrivé, mais le bonheur d'avoir retrouvé ma famille et mes amis en France est toujours intact. Et heureusement qu'ils sont là parce que pour le reste, c'est plus compliqué !

Je ne vais pas rentrer dans les détails. Je ne vais pas vous expliquer pourquoi la première chose que j'ai cuisiné en France sont des bagels maison. Je ne vais pas vous avouer que le seul bar que j'ai voulu essayer avec un réel enthousiasme à Paris sert de la Brooklyn Lager et se trouve à SoPi ("South Pigalle" dans la terminologie locale, empruntée de vous savez où). Je ne vais pas ajouter que c'est également dans ce coin de Paris que l'on trouve un pub nommé "Times Square" et que, ironiquement, sa clientèle de base n'est certainement pas constituée de touristes en goguette, contrairement au quartier de New York auquel il fait référence. Je ne vais pas vous dire que je ne trouve cela pas du tout réconfortant que le hall d’entrée du cabinet d'analyses médicales le plus près de chez moi soit décoré de posters géants représentant les rues de Manhattan et ses fameux yellow taxi cabs. Je ne vais pas préciser que cette prise de sang a été prescrite par mon nouveau médecin traitant convaincu que parce que je rentre de New York, j'ai forcément besoin d'un check-up (comme s'il n'y avait pas de docteurs compétents aux U.S) et aussi, allez savoir pourquoi, que je devrais vérifier par une radio si je n'ai pas une jambe plus courte que l'autre !!!

Je ne vais pas vous raconter comment l'obsession (le complexe d’infériorité ?) de Paris vis-à-vis de la grosse pomme s'est répandu comme une traînée de poudre pendant mon absence. Hello cheesecake devenu obligatoire sur la carte des desserts des bistrots traditionnels ! Hello magasin Forever 21 annoncé sur la rue de Rivoli ! Hello baristas barbus bientôt plus nombreux que les garçons de café ! Hello bars à ongles ! Hello nouveaux lieux bobo incontournables aux noms exotiques tels que le Coney Island Dinner, le Lefty, le Bones, le PNY, le Tuck Shop, le Glass, le Ten Belles, le Wanderlust. Et comble du comble : l'ouverture du café le "Garden Perk", qui se veut une réplique fidèle à celui de la série TV Friends

Tout cela ne m'aide pas vraiment à tourner la page sur mon mode de vie américain et cela crée pas mal de frustrations. Par exemple, étant une fan du brunch depuis la première heure, je suis a priori ravie que cette mode se soit installée à Paris, mais franchement, qui est l'idiot qui a décrété qu'il serait impossible de savourer cette simple combinaison d’œuf, de beurre, de lait, et de farine, le tout arrosé de café, pour moins de 25 euros, soit l’équivalent de 32,65 dollar par tête ? So I have become a conflicted French. J'essaye de transformer ma nouvelle vie en séjour d'immersion de longue durée à Paris, et puis je craque et m'engouffre dans un Starbucks, même si mon tall non-fat misto n'a plus le même goût. Cela va passer. Yes, I know. Je suis juste encore marquée par l’hématome du choc culturel inversé.

En attendant, je vous remercie d'avance mes chers tous, d'en être arrivés jusqu’au bout de ces lignes et de ce blog. Je veux finir cet article sur ces quelques réflexions philosophiques empruntées à une grande figure de l'optimiste et du renouveau à l'américaine. Il s'adressait ainsi récemment à ses proches :

"I want to thank them and I want to thank what they taught me, which is that you have to work harder than you think you possibly can. You can't hold grudges. It's hard but you can't hold grudges. And it doesn't matter how you get knocked down in life because that's going to happen. All that matters is you gotta get up." (Ben Affleck, Oscars 2013)

Et surtout, merci à ma chère grosse pomme, New York, la ville où j'ai appris à faire du vélo sans les petites roues.

Rétrospective "Just sit back, relax, and enjoy the ride" :
The Long Goodbye (Robert Altman, 1973) 
Coming Home (Hal Ashby, 1978) 
Airplane! (Jim Abrahams, David Zucker and Jerry Zucker, 1980)
Frantic (Roman Polanski, 1988)
Home Alone 2: Lost in New York (Chris Columbus, 1992) 
Happy End (Amos Kollek, 2003)  
All Good Things (Andrew Jarecki, 2010)

jeudi 19 avril 2012

Shit French Expats Say

Chers tous,

Pour les Français installés à New York, si le premier réflexe après avoir trouvé un appartement est de prendre l’habitude de faire ses courses chez Trader Joe’s, le second est souvent de se tourner vers la communauté des expatriés from France… Seuls eux pourront partager votre joie profonde, justement, d’avoir découvert un supermarché qui vend, entre autres merveilles, des "Bistro Biscuits" aussi bons que des spéculoos authentiques, et du vin rouge "basique" (qu’en bonne Française je n’utiliserais jamais autrement qu’en cuisine, hum-hum), pour moins de deux dollars chacun ! Les chiffres ne sont pas précisément connus, même si le consulat a fait une enquête encore récemment, mais d’après mes estimations hautement imprécises, nous sommes un bon paquet de Frenchies ici ! J’entends ma langue natale parlée constamment dans la rue ou le métro et, immédiatement, je cherche à distinguer s’il s’agit de touristes ou de "vrais" New Yorkais (s’ils ont à la main des paquets venant de chez Abercrombie and Fitch ou, au contraire, un sac en toile venant de chez Strand, normalement je sais à quoi m’en tenir !)

De façon générale, depuis mon installation à New York j’ai une relation ambiguë avec mes concitoyens "Français de l’étranger" (c’est ainsi que nous sont adressés les emails de campagne des candidats à la présidentielle). Pendant des années, clairement, je les ai évités (d'ailleurs quand j’ai fini par les rencontrer activement, ils étaient un peu surpris de ma réponse quand ils me demandaient si j’étais nouvelle ici.) Encore une fois, j’insiste que ceci est une grossière généralisation, mais j’avoue que j’avais (j’ai ?) des préjugés majeurs envers les V.I.E (participants au programme Volontariat International en Entreprises). Ils sont très nombreux à New York, et très bien rémunérés dans le monde de la finance. Ils évoluent dans une bulle, du Lower East Side à Williamsburg, en passant par l'incontournable, et imbuvable, Meat Packing District. Je les mets au défi de connaître le sens du mot obnoxious, un qualificatif qui sied pourtant à certains d'entre eux aussi bien qu’un petit polo Ralph Lauren. Moi jalouse ? Oui peut-être ! A l’autre extrême, je me voyais difficilement faire plus ample connaissance avec la catégorie fourre-tout des "femmes d’expat", car ayant un (voir deux !) travail à temps-plein, je ne pouvais tout simplement pas assister aux rencontres qui étaient organisées pour la plupart en semaine, en plein milieu de la journée... "Femme d’expat" ça sonne plus moderne que "femme au foyer à New York"... Moi jalouse ? Oui peut-être ! : )  

In any case, par principe je ne voulais pas m’enfermer dans le "ghetto" français et j’étais, et je suis toujours, fière d’avoir cultivé un entourage américain qui m’est très proche. Je n’ai pas pour autant été en manque de "French touch" puisque j’avais des amis de passage ou installés pour plusieurs mois à New York. Mes amis français/européens et américains se côtoyaient. J’avais trouvé mon équilibre. Et puis du temps a passé, certains sont rentrés, certains m’ont quittée, et Skype ne remplaçait décidément pas les sorties parisiennes avec mes BFFs, que j’organisais à la chaîne dès que je rentrais en France…

Il était devenu grand temps de me ré-acclimater à ma propre culture ! Afin de rencontrer de nouvelles têtes, j'ai même dû réapprendre mes propres us et coutumes et, en premier lieu, retrouver le réflexe de faire la bise et non pas de serrer la main à des presque-inconnus (j’exagère à peine) ! Sans doute parce que j’étais enfin "prête à replonger", j’ai eu la bonne surprise de me sentir accueillie à bras ouverts par la constellation des associations françaises de New York (et de me faire des amis que je vois maintenant en dehors de ce cadre). Je vais donc profiter de cet article pour faire passer un <bref message à caractère informatif>... aux fraîchement débarqués de France, aux curieux, ou aux fans de ce blog qui rêvent secrètement de me rencontrer : ) Accueil NY, Apéro Blog NYC, NY French Geek, annual Oscar French party (blague à part), et encore beaucoup d'autres... maintenant vous savez où me trouver, et aussi pourquoi j’ai de moins en moins le temps d'écrire sur ce blog ! De plus, pour ne rater aucun événement francophile de la Grosse Pomme vous pouvez désormais consulter le nouvel  agenda en ligne du consulat : My France in New York. </fin du bref message à caractère informatif>.

L’avantage de se retrouver entre Français à l’étranger, même si les parcours et origines de chacun sont différents, c’est la connexion instantanée qui se crée. S’il est vrai que les Américains sont au premier abord extremely friendly, il est difficile de développer des amitiés solides avec eux. (Cela demande un d’esprit d’ouverture réciproque et un peu de patience !) Au contraire, les Français ont la réputation d’être froids envers les "petits nouveaux", mais de progressivement construire des amitiés profondes et durables. Les Frenchies de New York combinent « the best of both worlds ». Surtout, je dirais que les angoisses liées au déracinement sont particulièrement propices au rapprochement. Un peu comme lorsque l'on se met à parler à ses voisins de rame de métro uniquement parce que le train est en rade ! L’expérience commune (les sueurs froides qui se font sentir dès que l'on se frotte au système de santé américain !), et les référents culturels partagés (pour nous, et même avec son Oscar, Jean Dujardin sera toujours Loulou !), transcendent les critères habituels de regroupement : l'origine géographique, la profession, la situation familiale, le milieu social... (les cours de sociologie me manquent un peu, on dirait !)

Nous formons donc un groupe assez hétéroclite. Pourtant, depuis que je fréquente régulièrement la communauté des Français de New York, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer certaines réflexions/remarques/commentaires récurrents. Certains m'horripilent, certains me font rire, certains me désespèrent, certains me rassurent. Quoi qu'il en soit, j'y suis hyper-sensible... peut-être parce que je vis un choc culturel franco-américain permanent. Prenons par exemple une journée-type "à la Marion" : je commence par une conversation  avec la France sur Skype, ou survole les news people, le tout accompagné d'un café au lait et de bran flakes avant de partir travailler ; je passe la journée en open space américain ; je prends mon goûter fait-maison on the go ; je m’arrête à la NY Public Library pour consulter un ouvrage en français ; je me dispute avec ma coloc californienne ; je me fais un pot avec des amis ("pot" employé ici dans le sens strictement non-américain du terme !) ; j'envoie un texto à ma new yorkaise préférée pour planifier notre prochain brunch ; je lis un ELLE périmé depuis belle lurette, mais ce n'est pas grave ; dodo ; repeat. La liste pourrait être encore plus longue (mais pour ça, allez plutôt voir celle de Travellin' Girl), et ce n'est pas le but de cet article... 

...Le but de cet article est de mettre un coup de projecteur sur ces expressions typiques qui sortent constamment de la bouche des Français à New York. Vous avez sans doute entendu parler du phénomène internet récent des vidéos « Shit [insert category of people] say ». Pour vous rafraîchir la mémoire, s'il en est besoin, consultez l’original, Shit Girls Say, mais aussi, Shit New Yorkers Say que j'avais déjà mentionné dans un post précédent, Shit Hipsters Say, et pour la V.F, Ce que disent les Parisiens. Ainsi, à défaut d’avoir pris une camera, je prends ma plume pour un best of de « Shit French Expats Say » ! Bien sûr, je ne censure pas mes propres citations (je vous laisse les retrouver dans la liste ci-dessous )... Enjoy!

[Scène 1. Intérieur. Jour. Trois Françaises dans la queue d'un supermarché new yorkais quelconque, absorbées par leur conversation animée, elles ne remarquent pas les clients qui s’impatientent autour d'elles.]

-Française#1 : Comment ça d'habitude tu ne fais pas tes courses chez Trader Joe’s ? Tu te rends pas compte, le rapport qualité-prix est imbattable ! 
-Française#2 : Pour moi, c'est simple, si Trader Joe’s n’existait pas, je ne pourrais pas vivre aux États-Unis.
-Française#3 : Vraiment ? Moi, ce qui me manque le plus ici c'est la pâte feuilletée prête-à-cuire, c'est pratiquement impossible d'en trouver dans cette ville !
-Française#1 : Et bien, justement, ils en vendent chez Trader Joe’s !
-Française#2 : Enfin, seulement pour les fêtes.
-Française#1 : Quand même, leur rayon surgelé est presque aussi bien que chez Picard !
-Française#3 : Ah, si seulement ils pouvaient distribuer du Nestlé dessert.
-Française#2 : L’autre jour, ils avait du camembert Le Rustique. A seulement 5 dollars !
-Française#1 : Par contre, t’as déjà touché leur baguette, trop molle non ?...

[Scène 2. Extérieur. Tombée de la nuit. Un groupe de Français en quête d'un restaurant.]

-Français#1 : Ça vous dit un resto, j’ai trop envie d’un burger !
-Français#2 : J’en ai déjà mangé un à midi mais on peut trouver autre chose. Il y a un endroit que je voulais absolument essayer dans le West Village. Attends je sors ma liste...
-Français#3 : Attends, je me connecte à Yelp.
-Français#4 : Attends, je regarde s'il a déjà été sélectionné comme resto de la semaine par Time Out New York.
-Français#5 : Attends, je vérifie s'il en parlent sur Serious Eats.
-Français#6 : Attends, je check le menu et les prix sur Menupages.
-Français#7 : Merde, ils ne prennent pas les réservations !

[Fondu enchaîné. Quelques minutes plus tard. A l’intérieur du restaurant choisi.] 

-Français#1 : Comment ça ils n'ont pas de pain ? Et c’est quoi cette portion minuscule ? On se croirait en France !
-Français#2 : Garçon, vous pouvez retirer les glaçons de mon verre d’eau s’il vous plaît !
-Français#3 : Garçon, vous pouvez baisser la musique s’il vous plaît !
-Français#4 : Garçon, vous pouvez baisser la clim' s’il vous plaît !
-Français#5 : Garçon, vous pouvez baisser le volume de la conversation des Américaines à la table d’à côté s’il vous plaît !
-Français#6 : Garçon, vous pouvez attendre avant de débarrasser, j’ai pas fini mon assiette !
-Français#7 : Garçon, vous pouvez attendre avant d’apporter l'addition, on ne l'a pas encore demandée !
-Français#1 : Bon, le service était vraiment moyen, on leur laisse que 15% ?
-Français#6 : Tu plaisantes j’espère ?
-Français#1 : C'est bon toi, t'es trop généreuse, tu tip comme une Américaine...

[Scène 3. Extérieur. Jour. Trois Françaises stylées se promènent dans les rues de New York.]

-Française#1 : J'en peux plus des touristes français qui font leur shopping sur Broadway !
-Française#2 : Moi j’évite ce coin maintenant. En plus, Urban Outfitter et Banana Republic c’est plus ce que c’était.
-Française#1 : T’as vu ils ont ouvert un Abercrombie and Fitch à Paris.
-Française#3 : Ça me fait penser... il faut absolument qu'on aille voir ce que ça donne Maje et Sandro sur Bleeker Street !
-Française#1 : Carrément ! Et on se fait Woodbury ce weekend ? Il me faut des nouvelles Ugg.
-Française#3 : Les Ugg c’est trop confort !
-Française#2 : Les Ugg c’est trop immonde ! Vous ne voulez pas plutôt aller faire le marché de la mode vintage ?
-Française#3 : Oh my God! Oh my God! Oh my God!
-Française#1 et 2 : Quoi ???
-Française#3 : Je viens de réaliser... mon prochain voyage en France tombe pendant les soldes d’été à Paris !!!

[Scène 4. Intérieur. Nuit. Dans un bar, lors d'une soirée organisée par une association française. Un dialogue de sourds entre une Française et un couple marié récemment expatrié à New York.]

-Française#1 : Bienvenue ! Vous êtes nouveaux à New York ? Quand est-ce que vous êtes arrivés ? 
-Française#2 : Ça fait un moment déjà, depuis... Novembre. Et toi ?
-Française#1 : Moi aussi ça fait un moment... bientôt quatre ans !
-Français#3 : Vous habitez où ?
-Française#1 : On peut se tutoyer... Ah, tu veux dire, moi et mon mari ? Je ne suis pas mariée, je suis venue à New York toute seule, pour travailler. J'habite dans le East Village. Et vous ?
-Française#2 : 72 et Broadway.
-Française#1 : Donc vous êtes voisins avec [couple de Français], [autre couple de Français] et [autre couple de Français] !
-Français#3 : Tu as un J1, un L ?
-Française#1 : H1B. Et toi ?
-Français#3 : E2.
-Française#2 : Moi j'ai une autorisation de travail rattachée à son visa.
-Française#1 : Alors vous travaillez dans quoi ?
-Française#2 : Mon mari a été transféré par [banque française] pour trois ans. Moi je ne pense pas travailler, en local il n'y a pas assez de congés payés.
-Française#1 : [No comment.]
-Français#3 : Et toi, tu vas rester combien de temps ici ?
-Française #1 : Je ne sais pas !

[Scène 5. Intérieur. Nuit. Dîner entre amis.] 

-Française #1 : C'est sympa la déco chez vous !
-Française #2 : Oui, on a tout fait envoyer de France par la boîte... mais il y a des trucs qu'on ne peut pas utiliser à cause des prises électriques américaines. 
-Française #1 : C'est joli cette lampe !
-Française #2 : Oui, celle-là elle vient d'une brocante à Brooklyn.
-Française #1 : Wow, tu crains pas les bed bugs toi... Et vous avez même une chambre d'amis !
-Française #2 : Oui, enfin, entre nous, je commence à fatiguer de faire la guide touristique pour les gens de passage. C'est pas l’hôtel ici !
-Française #1 : Tu savais que c’est plus cher de voyager de New York vers Paris que l’inverse ?
-Française #2 : Oui apparemment. Le billet de notre prochain séjour en France nous a coûté une petite fortune. Mais j'ai trop hâte, je vais enfin pouvoir aller chez le coiffeur !
-Française #1 : Tu me mettras un ELLE de côté
-Française #2 : Sans faute. Avant je le recevais directement ici... pendant un temps la boîte faisait suivre notre courrier.
-Française #1 : Ça te manque pas ? J'adore New York Mag, mais le ELLE français c'est sacré pour moi !
-Française #2 : Je me suis habituée. Par contre, on ne rate jamais le Petit Journal en rediff' sur internet.
-Française #3 : Au fait les filles, vous auriez pas des films à me conseiller sur Netflix ? J'ai déjà fini tout Downton Abbey !
-Française #1 : Il y a cette comédie américaine pas mal au ciné en ce moment.
-Française #3 : Non je ne vais jamais au cinéma ici, sans les sous-titre en anglais ou en français, j'ai trop du mal à suivre. 
-Française #1 : Il faut que tu pratiques plus souvent !
-Française #3 : Je sais mais au boulot j'ai pas trop l'occasion et j'ai pas d'amis américains.
-Française #2 : Pareil pour moi.

[Scène 6. Intérieur. Jour. Salon de thé du West Village.]

-Française #1 : Les meufs, j'ai une grande nouvelle à vous annoncer !
-Française #2 : Vous allez pouvoir rester à New York six mois du plus, c'est ça ?
-Française #1 : Non, on rentre toujours l’année prochaine
-Française #2 : Tu as trouvé un travail, c'est ça
-Française #1 : Non, je suis enceinte !
-Française #3 : Moi aussi !
-Française #4 : Moi aussi !
-Française #5 : Moi aussi !   
-Française #2 : Félicitations, mais... ça ne vous fait pas trop flipper vous d'aller chez le gynéco ici ?

[Fin de l'Acte 1.] 

Amicalement et approximativement-chronologiquement dédicacé à E.+R., A.+F., E., M.+J., M.+P., E.+R., M., L., Z., A., C.+J., E., A. ...

Rétrospective "Shit French Expats Say":
The Conversation (Francis Ford Coppola, 1974)
Nine Months (Chris Columbus, 1995) 
Babel (Alejandro González Iñárritu, 2006)

vendredi 23 mars 2012

La French touch

Chers tous,

What a coincidence! Le New York Times et moi-même avons eu l’idée de publier aujourd’hui un article sur le boom des livres s'adressant aux Américains fascinés par la culture française ! D'ailleurs for the record, leur article n'a pas inspiré le mien, et quant à savoir si mon blog inspire les journalistes du New York Times... Mais surtout, ce que le journal ne dit pas, c'est que la plupart de ces ouvrages qui donnent des conseils aux Américaines du genre, comment manger comme une Française, s'habiller comme une Française, séduire comme une Française, élever ses enfants comme une Française..., sont encore plus intéressants à lire du point de vue de la Française que je suis, justement ! Comme un miroir inversé, ils m'apprennent beaucoup sur ma propre culture, me font rire, rager, et, grâce à eux, des souvenirs enfuis remontent à la surface ! Alors voici une petite sélection perso, lue et approuvée par mes soins! Cliquez sur les liens pour plus d'infos...

Dans la catégorie “blockbuster” :
Un titre osé mais le contenu est plein de bon sens. Après le succès mérité de ce premier ouvrage, l'executive woman Mireille Guiliano continue de traire inlassablement sa cash cow (comme on dit ici):

Dans la catégorie “hommage” :
Ce livre, c'est presque trop ! Pour une Française, le lire, c'est comme se jeter des fleurs: ) Mais après l'avoir terminé, j'étais plus que jamais déterminée à cultiver dans ma vie new yorkaise exaltante mes racines (pour continuer la métaphore jardinière) qui me tiennent tant à cœur, et qui peuvent se résumer dans l'expression un peu clichée "le bon-vivre à la française".

Dans la catégorie “plein les yeux” :
Paris vs New York, a tally of two cities, de Vahram Muratyan (2012)
Comme le décrit l’auteur de ce concept malin (à l’origine, il s’agit d’un blog), nous avons ici à faire à un “match visuel amical entre ces deux villes”. Trêve de commentaire, allez-voir ça par vous-mêmes!

Dans la catégorie “précurseur” :
Paris to the Moon, de Adam Gopnik (2001)
Je me souviens avoir lu le premier ouvrage francophile de cet ancien journaliste au New Yorker il y a bien longtemps déjà (merci Clémentine) !

Dans la catégorie “délices” :
A la base, il s’agit de deux blogs gourmands (celui d’une Française anciennement installée aux US, et celui d’un Américain à Paris) que je vous recommande chaudement:

Dans la catégorie “fashionista” :
The Parisian Chic: A Style Guide by Inès de la Fressange, d’Inès de la Fressange avec Sophie Gachet (2011)
Alors, OK, je lis encore le ELLE français dès que j’en ai l’occasion, mais je ne suis pas sure d’être 100% convertie au culte de la Fressange. Ma Parisienne chic ? Joëlle of course !

Dans la catégorie “agent provocateur” :
Celui-là, je ne l’ai pas consulté de près, mais j’ai été voir l’auteur lire quelques passages au Strand bookstore, où pour l’occasion ils servaient du wine and cheese, what else ?

Dans la catégorie “nouveau-nés” :
Ceux-là, je les ressortirai en temps et en heure!

Dans la catégorie “cinéphile” :
Déjà présent dans ma bibliographie de recherches !

Dans la catégorie “voyage dans le temps” :
Ça change des cours d’histoire de mon adolescence…

Dans la catégorie “pas encore lus” :
Paris Was Ours, de Penelope Rowlands (2011)
The Greater Journey: Americans in Paris, de David McCullough (2011)
The Paris Wife: A Novel, de Paula McLain (2011)
My French Life, de Vicki Archer (2007)
A Year in the Merde, de Stephen Clarke (2006)
On Rue Tatin: Living and Cooking in a French Town, de Susan Herrmann Loomis (2002)

Rétrospective "La French touch" :
Imitation of Life (Douglas Sirk, 1959)
The French Connection (William Friedkin, 1971)
French Kiss (Lawrence Kasdan, 1995)

mardi 31 janvier 2012

La bête à deux têtes

 
Chers tous, 

Happy New Year! Preuve que je suis de plus en plus New Yorkaise, je constate que les résolutions rabâchées année après année par les magazines féminins français s’appliquent de moins en moins à mon cas personnel : 

Arrêter de fumer : bah j’ai jamais commencé ! 

Se remettre au sport : check, d’ailleurs, pour paraphraser cette pub d'une chaîne américaine de salles de gym, « Not everybody gains weight during the holidays (en référence aux repas copieux de Thanksgiving, Noël, Hanukkah etc)… only people who don’t exercise do ! », le mieux, c’est donc de s’y remettre dès Juin de l’année précédente, comme ça on (et par "on" je veux dire "je") sera d’autant plus contente de passer le cap du nouvel an en maillot de bain ! : ) 

Ne plus dépenser son 13e mois de salaire chez princesse Tam Tam : là encore, ça ne me concerne absolument pas, vu que cette année mes généreux employeurs n’ont rémunéré leurs salariés que 11 mois et demi. B#*(^@#!! (Excuse my French, comme disent, bizarrement, les Américains). 

Dois-je en conclure que je me suis métamorphosée en New Yorkaise typique ? Il est vrai que, d’un coté, je me reconnais plus qu’un peu dans cette vidéo hilarante que je vous recommande au passage : Shit New Yorkers Say. Mais, de l’autre, je me revendique encore et toujours comme une franco-française francophone et francophile (tant qu’on y est !). Le paradoxe est le suivant : avec la distance j’apprécie d’autant plus certains aspects de mon pays natal que je vois d’ici sous un jour nouveau, mais en profite d’autant moins ! Voilà pourquoi j’en viens à ma vraie bonne résolution pour 2012 : accepter et vivre pleinement le fait que je suis bel et bien devenue, irréversiblement, une bête à deux têtes (ceci est une métaphore, of course). 

Let me explain. Je ne souffre pas de troubles de la personnalité multiple, comme dans la série télé United States of Tara, je souffre de troubles de la culture multiple. Marion en VF / Marion en VO. Vous me suivez ? Ma vie de Française aux États-Unis ce n’est ni celle d’une touriste, d’une passagère clandestine, d’une expatriée, d’une prisonnière consentante du ghetto gaulois, d’une dépitée de son pays d’origine. Et si je devais rentrer en France demain pour de bon, je ne me sentirais sans doute pas complètement chez moi. C’est grave docteur ? Peut-être que je suis tombée dedans quand j’étais petite comme Obélix (référent français), but maybe I was born this way (référent américain). Je suis née avec la double nationalité, et puis je m’en suis ajoutée une autre, que j’ai choisie inconsciemment, puis passionnément. Ça doit être comme pour les langues étrangères, plus on en connaît, plus c’est facile d’en apprendre de nouvelles ! Reste que si mon diagnostique est exact, j’ai dû choper le virus il y a bien longtemps : 

Petite j’ai été bercée aux comptines en Français de l’Américain Steve Waring ; j’étais fan de Lucky Luke, sans doute le seul cowboy qui sache parler la langue de Molière (avec l’accent belge, qui plus est) ; le plus beau jour de ma vie fut pendant longtemps mon séjour à Disneyland Paris (encore un oxymore) ; un des premiers films que je me rappelle avoir vu dans une salle de cinéma est Honey, I Shrunk the Kids, pardon, je devrais plutôt dire, Chérie, j’ai rétréci les gosses, puisqu’il était doublé en VF ; j’ai eu une période toasts au camembert pour le petit déjeuner, immédiatement suivie par une période œufs au bacon ; le livre préféré de mes années de Primaire était Les Quatre filles du Docteur March (dont j’ai lu la traduction plusieurs fois, mais jamais la version originale) ; mes chats ont eu des noms français et anglais, mais en ce qui concerne "Bernard", "Bianca" et "Chaussette", l’inspiration hautement cinéphile est venue d’outre-Atlantique (The Rescuers et Dances with Wolves, respectivement). 

Alors, oui, la mondialisation elle a bon dos, et c’est vrai que mes parents, contrairement à ceux de la famille "bobello" (nouveau terme que je viens d’inventer, contraction de contraction de bobo+intello) chez qui je faisais du baby-sitting quand j’étais étudiante, ne nous ont jamais privés mon frère et moi de regarder des films estampillés Walt Disney. Mais je ne crois pas avoir absorbé ces références culturelles passivement. Après tout, dans les années 1990, j’ai aussi avalé ma dose de mangas du club Dorothée, et j’écoutais Daniel Balavoine en boucle, cela ne m’a pourtant pas détournée de ma trajectoire américaine. Quand j’ai eu l’âge de les lire, personne ne m’a forcée à débusquer les romans d’Hubert Selby, Jr. à la bibliothèque municipale de ma ville. Avant même d’avoir jamais mis les pieds sur la Côte Est des États-Unis, j’étais déjà une New Yorkaise en germe ! 

Aujourd’hui presque quatre ans sont passés depuis que je suis installée ici. Contrairement à mon tout premier voyage aux États-Unis qui avait été un coup de foudre, mon intégration à la vie new yorkaise a été marquée par quelques petits coups durs. Selon moi, on ne peut pas apprécier cette ville pour ce qu’elle est sans être capable de passer de l’adoration hébétée, à l’adoration fondée, sans oublier de cocher la case reality-check. Ce n’est qu’à ce prix là que l’on a le privilège de dire « I am New Yorker ». D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si l’une des plus grandes fiertés des habitants de la Grosse Pomme c’est qu’ils sont connus pour être resilient. Alors malgré le rythme effréné de la vie locale, je prends le temps (en général quand je suis au feu rouge et que j’attends mon tour pour traverser… jaywalking, me ? never !) pour apprécier comme au premier jour le fait que: New York, I live in New York ! 

Vous l’aurez compris, je suis une bête à deux têtes : cela m’enrichit tout en me compliquant parfois un peu la vie. Ainsi, de la même façon que j’ai du mal à passer dans un seul souffle de l’Anglais au Français à l’oral (parce que, c’est bien connu, la bouche, la gorge, la langue, et je ne sais quoi encore, ne sont pas positionnés et mobilisés identiquement si l’on communique dans l’une ou l’autre des langues), et bien avec mes deux têtes, mes deux cultures, mes deux schémas de pensée, je suis la reine des contradictions. Voici quelques symptômes que j’ai pu identifier : 

-Jamais au grand jamais je ne pourrais supprimer les "carbs" de mon régime alimentaire, par contre, désormais si je suis saisie d'une irrésistible "envie de pain" (si si, vous savez de quoi je parle), I reach for a bagel. 

-Il fut un temps où je ramenais systématiquement des États-Unis des oreos, du frosting et des refried beans en conserve (pour ceux qui ne savent pas de quoi je parle, un indice, ces deux aliments ne se trouvent pas du tout au même rayon), de la farine de maïs et du brownie mix. Désormais je me laisse tenter ici par les meringues, palmiers, tartes aux framboises, boudoirs, spéculoos… en gros tous les produits qui apparaissent sur les étalages de Trader Joe’s, mon supermarché favori, auréolés de la French touch, et dont les étiquettes sont rebaptisées "Trader Jacques" ! 

-A New York je cuisine moins souvent des pancakes que quand j’étais étudiante en France, mais j’ai appris à faire la crème anglaise juste pour pouvoir retrouver le goût d’un dessert de mon enfance : le gâteau de semoule à la vanille, et crème anglaise, donc. 

-Je n’ai jamais été aussi excitée par une dégustation de Galette des Rois qu’en Janvier 2012 (ce qui est rare est cher). 

-Au restaurant je finis toujours mon assiette, même si les portions sont parfois gargantuesques (ou, au pire, je demande un doggy bag). 

-J’utilise beaucoup trop mon temps de cerveau disponible pour réfléchir au prochain restaurant new yorkais à la mode que je vais essayer en évitant de devoir faire la queue des heures parce qu’il vient d’ouvrir et avant qu’il ne ferme parce que le loyer est trop cher (M. Wells, CQFD). Je n’utilise pas moins de temps de cerveau disponible pour réfléchir à ce que je vais me préparer moi-même à manger ce soir (yes, from scratch !) 

-Je ferme toujours le robinet quand je me brosse les dents, bien que l’eau soit gratuite à New York (clairement, ça ne devrait pas être une excuse pour tous les négligents). 

-J’ai enfin pu voir et adorer (comme je m’y attendais) La Guerre est déclarée, qui vient de sortir dans un cinéma de Greenwich Village, mais je n’en reviens toujours pas du nombre de cigarettes que les personnages adultes principaux s’enfilent dans ce film qui raconte, s’il faut le rappeler, l’histoire d’un bébé qui a le cancer ! 

-Vous m’entendrez souvent dire « Ah ces Américaines ! » d’un air entendu à mes copines françaises d’ici, or ma meilleure amie à New York, une personne qui me connaît et qui me comprend comme si nos personnalités avaient été formées dans le même moule à cupcake, n’est autre qu’une native de la Grosse Pomme. 

-Je considère New York Magazine comme l’une des meilleures publications que j’ai la chance de recevoir dans ma boîte aux lettres toutes les semaines, mais rien ne me fait plus plaisir que de pouvoir tenir, à de trop rares occasions, le ELLE français entre mes mains. 

-J’ai été voir le Tintin de Spielberg en 3-D le weekend de sa sortie.

-Je n’ai aucune patience pour les touristes qui me barrent la route quand je suis pressée, qu’ils soient français ou non. 

-A Paris j’ai croisé Johnny Depp et Vanessa Paradis, à New York, Guillaume Canet et Marion Cotillard. 

-Je préfère de loin le métro new yorkais au métro parisien (question d’efficacité oblige), même si je préfère de loin admirer les affiches du Bon Marché plutôt que les rats zigzaguant entre les rails. 

-J’ai importé des bottes Aigle pour faire face aux tempêtes de neige new yorkaises, mais je n’ai toujours pas trouvé de solution pour éviter de ressembler à une mamie frileuse au bureau en hiver comme en été, à bas la clim’ ! 

-Tous les ans, j’y crois : le temps va s’arrêter pour que l’on puisse souffler un peu… hélas, rien n’y fait, ici la semaine du 15 août et la semaine de Noël sont aussi frénétiques que les autres. 

-Tous les ans, j’y crois : cette fois c’est la bonne, je vais l’avoir à la loterie ma Green Card ! 

-Il m’arrive parfois d’avoir une envie violente et urgente de rentrer à Paris ou chez mes parents au bord de la mer… mais pour des vacances uniquement. 

-En 2012, comme la grande majorité des citoyens français (y’a intérêt), j’irai voter pour les présidentielles. Mais j’irai voter sur Fifth Avenue. 

-En France, je ne manquais jamais de regarder les Césars en direct, aux États-Unis, je ne manque jamais de regarder les Oscars en direct. Cette année je risque de voir double : j’ai nommé Jean Dujardin!

-Je n’ai pas mon permis de conduire mais j’ai une bonne connaissance du genre cinématographique américain du road trip depuis Five Easy Pieces jusqu'à Little Miss Sunshine 

-Je ne saurais pas tricoter une écharpe comme ma copine américaine D., par contre, comme toute Française qui se respecte, je sais porter un foulard. 

-Ma mission du weekend, sans cesse renouvelée, est de découvrir les meilleurs nouveaux brunchs à New York, but, hey, it’s true, French Women Don’t Get Fat ! 

-Je n’ai pas souvenir d’avoir jamais mangé une pâtisserie Paris-Brest, même si, God Knows, j’ai pris cette ligne de train des dizaines de fois ! Pourtant, je me laisserais bien tenter par celui de Dominique Ansel au beurre de cacahouète ! 

- En France, je préférais être en colocation que vivre seule. A New York, je préfère vivre seule qu’être en colocation. Je suis en colocation à New York car je préfère être en colocation à New York que de ne pas vivre à New York, vous me suivez toujours ? 

-Je vais passer les trois prochaines années de ma vie à étudier une forme bien précise des échanges culturels entre la France et les États-Unis… 

… alors finalement, mes deux têtes, elles pourront être mises efficacement à contribution ! 

PS : J’allais presque oublier… : -Je suis capable de dire spontanément « I love you » aux Américains qui comptent le plus dans ma vie (enfin pas non plus à tout bout de champ et à chaque coup de fil pour terminer une conversation!), mais comme beaucoup de Français, j’ai du mal à dire « Je t’aime ». Alors j’en profite pour dédicacer cet article à mes parents.

Rétrospective "La bête à deux têtes" : 
Double Indemnity (Billy Wilder, 1944)
The Elephant Man (David Lynch, 1980)
Head-On (Fatih Akin, 2004)


vendredi 9 décembre 2011

Christmas Pudding

Chers tous,

Pour ceux qui restent ici pour les fêtes, un Noël français à New York c’est possible ! (certes, moins authentique) :

-Si on cherche bien on trouve ici des calendriers de l’Avent (pour moi ce fut chez Barnes and Nobles)

-Pour les huitres, New York regorge d’Oyster Bars… se méfier quand même de la recette populaire aux Etats-Unis des fried oysters (« beignets d’huitres »).

-Merci Maman qui m’a envoyé tout un stock de foie gras en parfaite légalité ! Sachant que ce sera banni en Californie à partir de 2012, ils ont intérêt à se gaver là-bas cette année !

-La Boulangerie (comme son nom l’indique, une authentique boulangerie française) vient d’ouvrir dans le Queens. Elle vaut le détour rien que pour le sourire béat et l’accent à couper au couteau (à pain, haha !) du propriétaire qui ne doit pas encore en revenir du succès impressionnant de sa petite enseigne.

-Le super supermarché Trader Joe’s vend en édition limitée des truffes importées de France (mais vu la liste des ingrédients, je serais plutôt tentée de reproduire la recette de ma grande-tante Jacqueline).

-La pâtisserie Financier (encore un entrepreneur français qui marche fort à New York) a sorti ses Yule Logs annuelles ! Qui avait deviné que c’était la traduction de Bûches de Noël ? (Heureusement il y a la photo qui va avec !)

-Le vin chaud se trouve sur les marchés de Noël, il suffit de savoir commander un mulled wine. Et mon conseil serait d’éviter le cider américain. En règle générale, il s’agit simplement d’un jus de pomme amélioré (les plus malins y ajoutent un shot de bourbon pour le rehausser !)

-le MoMA présente la première américaine du Père Noël est une ordure (avec seulement presque 30 ans de retard !!!) : « The film is to French Christmas-time what It’s a Wonderful Life is for American audiences, and in terms of quotability it approaches Casablanca, in that every other French person seems to know the film by heart. »

Happy holidays to all! (Restons politquement correct!)

Rétrospective "Christmas Pudding": 
The Shop Around the Corner (Ernst Lubitsch, 1940)
Le père Noël est une ordure (Jean-Marie Poiré, 1982)
Home Alone (Chris Columbus, 1990) 
The Nightmare Before Christmas (Henry Selick, 1993)
Y'aura-t-il de la neige à Noël? (Sandrine Veysset, 1996)
Love Actually (Richard Curtis, 2003)
Un conte de Noël (Arnaud Desplechin, 2008)