Chers tous,
Happy New Year! Preuve que je suis de plus en plus New Yorkaise, je constate que les résolutions rabâchées année après année par les magazines féminins français s’appliquent de moins en moins à mon cas personnel :
Arrêter de fumer : bah j’ai jamais commencé !
Se remettre au sport : check, d’ailleurs, pour paraphraser cette pub d'une chaîne américaine de salles de gym, « Not everybody gains weight during the holidays (en référence aux repas copieux de Thanksgiving, Noël, Hanukkah etc)… only people who don’t exercise do ! », le mieux, c’est donc de s’y remettre dès Juin de l’année précédente, comme ça on (et par "on" je veux dire "je") sera d’autant plus contente de passer le cap du nouvel an en maillot de bain ! : )
Ne plus dépenser son 13e mois de salaire chez princesse Tam Tam : là encore, ça ne me concerne absolument pas, vu que cette année mes généreux employeurs n’ont rémunéré leurs salariés que 11 mois et demi. B#*(^@#!! (Excuse my French, comme disent, bizarrement, les Américains).
Dois-je en conclure que je me suis métamorphosée en New Yorkaise typique ? Il est vrai que, d’un coté, je me reconnais plus qu’un peu dans cette vidéo hilarante que je vous recommande au passage : Shit New Yorkers Say. Mais, de l’autre, je me revendique encore et toujours comme une franco-française francophone et francophile (tant qu’on y est !). Le paradoxe est le suivant : avec la distance j’apprécie d’autant plus certains aspects de mon pays natal que je vois d’ici sous un jour nouveau, mais en profite d’autant moins ! Voilà pourquoi j’en viens à ma vraie bonne résolution pour 2012 : accepter et vivre pleinement le fait que je suis bel et bien devenue, irréversiblement, une bête à deux têtes (ceci est une métaphore, of course).
Let me explain. Je ne souffre pas de troubles de la personnalité multiple, comme dans la série télé United States of Tara, je souffre de troubles de la culture multiple. Marion en VF / Marion en VO. Vous me suivez ? Ma vie de Française aux États-Unis ce n’est ni celle d’une touriste, d’une passagère clandestine, d’une expatriée, d’une prisonnière consentante du ghetto gaulois, d’une dépitée de son pays d’origine. Et si je devais rentrer en France demain pour de bon, je ne me sentirais sans doute pas complètement chez moi. C’est grave docteur ? Peut-être que je suis tombée dedans quand j’étais petite comme Obélix (référent français), but maybe I was born this way (référent américain). Je suis née avec la double nationalité, et puis je m’en suis ajoutée une autre, que j’ai choisie inconsciemment, puis passionnément. Ça doit être comme pour les langues étrangères, plus on en connaît, plus c’est facile d’en apprendre de nouvelles ! Reste que si mon diagnostique est exact, j’ai dû choper le virus il y a bien longtemps :
Petite j’ai été bercée aux comptines en Français de l’Américain Steve Waring ; j’étais fan de Lucky Luke, sans doute le seul cowboy qui sache parler la langue de Molière (avec l’accent belge, qui plus est) ; le plus beau jour de ma vie fut pendant longtemps mon séjour à Disneyland Paris (encore un oxymore) ; un des premiers films que je me rappelle avoir vu dans une salle de cinéma est Honey, I Shrunk the Kids, pardon, je devrais plutôt dire, Chérie, j’ai rétréci les gosses, puisqu’il était doublé en VF ; j’ai eu une période toasts au camembert pour le petit déjeuner, immédiatement suivie par une période œufs au bacon ; le livre préféré de mes années de Primaire était Les Quatre filles du Docteur March (dont j’ai lu la traduction plusieurs fois, mais jamais la version originale) ; mes chats ont eu des noms français et anglais, mais en ce qui concerne "Bernard", "Bianca" et "Chaussette", l’inspiration hautement cinéphile est venue d’outre-Atlantique (The Rescuers et Dances with Wolves, respectivement).
Alors, oui, la mondialisation elle a bon dos, et c’est vrai que mes parents, contrairement à ceux de la famille "bobello" (nouveau terme que je viens d’inventer, contraction de contraction de bobo+intello) chez qui je faisais du baby-sitting quand j’étais étudiante, ne nous ont jamais privés mon frère et moi de regarder des films estampillés Walt Disney. Mais je ne crois pas avoir absorbé ces références culturelles passivement. Après tout, dans les années 1990, j’ai aussi avalé ma dose de mangas du club Dorothée, et j’écoutais Daniel Balavoine en boucle, cela ne m’a pourtant pas détournée de ma trajectoire américaine. Quand j’ai eu l’âge de les lire, personne ne m’a forcée à débusquer les romans d’Hubert Selby, Jr. à la bibliothèque municipale de ma ville. Avant même d’avoir jamais mis les pieds sur la Côte Est des États-Unis, j’étais déjà une New Yorkaise en germe !
Aujourd’hui presque quatre ans sont passés depuis que je suis installée ici. Contrairement à mon tout premier voyage aux États-Unis qui avait été un coup de foudre, mon intégration à la vie new yorkaise a été marquée par quelques petits coups durs. Selon moi, on ne peut pas apprécier cette ville pour ce qu’elle est sans être capable de passer de l’adoration hébétée, à l’adoration fondée, sans oublier de cocher la case reality-check. Ce n’est qu’à ce prix là que l’on a le privilège de dire « I am New Yorker ». D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si l’une des plus grandes fiertés des habitants de la Grosse Pomme c’est qu’ils sont connus pour être resilient. Alors malgré le rythme effréné de la vie locale, je prends le temps (en général quand je suis au feu rouge et que j’attends mon tour pour traverser… jaywalking, me ? never !) pour apprécier comme au premier jour le fait que: New York, I live in New York !
Vous l’aurez compris, je suis une bête à deux têtes : cela m’enrichit tout en me compliquant parfois un peu la vie. Ainsi, de la même façon que j’ai du mal à passer dans un seul souffle de l’Anglais au Français à l’oral (parce que, c’est bien connu, la bouche, la gorge, la langue, et je ne sais quoi encore, ne sont pas positionnés et mobilisés identiquement si l’on communique dans l’une ou l’autre des langues), et bien avec mes deux têtes, mes deux cultures, mes deux schémas de pensée, je suis la reine des contradictions. Voici quelques symptômes que j’ai pu identifier :
-Jamais au grand jamais je ne pourrais supprimer les "carbs" de mon régime alimentaire, par contre, désormais si je suis saisie d'une irrésistible "envie de pain" (si si, vous savez de quoi je parle), I reach for a bagel.
-Il fut un temps où je ramenais systématiquement des États-Unis des oreos, du frosting et des refried beans en conserve (pour ceux qui ne savent pas de quoi je parle, un indice, ces deux aliments ne se trouvent pas du tout au même rayon), de la farine de maïs et du brownie mix. Désormais je me laisse tenter ici par les meringues, palmiers, tartes aux framboises, boudoirs, spéculoos… en gros tous les produits qui apparaissent sur les étalages de Trader Joe’s, mon supermarché favori, auréolés de la French touch, et dont les étiquettes sont rebaptisées "Trader Jacques" !
-A New York je cuisine moins souvent des pancakes que quand j’étais étudiante en France, mais j’ai appris à faire la crème anglaise juste pour pouvoir retrouver le goût d’un dessert de mon enfance : le gâteau de semoule à la vanille, et crème anglaise, donc.
-Je n’ai jamais été aussi excitée par une dégustation de Galette des Rois qu’en Janvier 2012 (ce qui est rare est cher).
-Au restaurant je finis toujours mon assiette, même si les portions sont parfois gargantuesques (ou, au pire, je demande un doggy bag).
-J’utilise beaucoup trop mon temps de cerveau disponible pour réfléchir au prochain restaurant new yorkais à la mode que je vais essayer en évitant de devoir faire la queue des heures parce qu’il vient d’ouvrir et avant qu’il ne ferme parce que le loyer est trop cher (M. Wells, CQFD). Je n’utilise pas moins de temps de cerveau disponible pour réfléchir à ce que je vais me préparer moi-même à manger ce soir (yes, from scratch !)
-Je ferme toujours le robinet quand je me brosse les dents, bien que l’eau soit gratuite à New York (clairement, ça ne devrait pas être une excuse pour tous les négligents).
-J’ai enfin pu voir et adorer (comme je m’y attendais) La Guerre est déclarée, qui vient de sortir dans un cinéma de Greenwich Village, mais je n’en reviens toujours pas du nombre de cigarettes que les personnages adultes principaux s’enfilent dans ce film qui raconte, s’il faut le rappeler, l’histoire d’un bébé qui a le cancer !
-Vous m’entendrez souvent dire « Ah ces Américaines ! » d’un air entendu à mes copines françaises d’ici, or ma meilleure amie à New York, une personne qui me connaît et qui me comprend comme si nos personnalités avaient été formées dans le même moule à cupcake, n’est autre qu’une native de la Grosse Pomme.
-Je considère New York Magazine comme l’une des meilleures publications que j’ai la chance de recevoir dans ma boîte aux lettres toutes les semaines, mais rien ne me fait plus plaisir que de pouvoir tenir, à de trop rares occasions, le ELLE français entre mes mains.
-Vous m’entendrez souvent dire « Ah ces Américaines ! » d’un air entendu à mes copines françaises d’ici, or ma meilleure amie à New York, une personne qui me connaît et qui me comprend comme si nos personnalités avaient été formées dans le même moule à cupcake, n’est autre qu’une native de la Grosse Pomme.
-Je considère New York Magazine comme l’une des meilleures publications que j’ai la chance de recevoir dans ma boîte aux lettres toutes les semaines, mais rien ne me fait plus plaisir que de pouvoir tenir, à de trop rares occasions, le ELLE français entre mes mains.
-J’ai été voir le Tintin de Spielberg en 3-D le weekend de sa sortie.
-Je n’ai aucune patience pour les touristes qui me barrent la route quand je suis pressée, qu’ils soient français ou non.
-A Paris j’ai croisé Johnny Depp et Vanessa Paradis, à New York, Guillaume Canet et Marion Cotillard.
-Je préfère de loin le métro new yorkais au métro parisien (question d’efficacité oblige), même si je préfère de loin admirer les affiches du Bon Marché plutôt que les rats zigzaguant entre les rails.
-J’ai importé des bottes Aigle pour faire face aux tempêtes de neige new yorkaises, mais je n’ai toujours pas trouvé de solution pour éviter de ressembler à une mamie frileuse au bureau en hiver comme en été, à bas la clim’ !
-Tous les ans, j’y crois : le temps va s’arrêter pour que l’on puisse souffler un peu… hélas, rien n’y fait, ici la semaine du 15 août et la semaine de Noël sont aussi frénétiques que les autres.
-Tous les ans, j’y crois : cette fois c’est la bonne, je vais l’avoir à la loterie ma Green Card !
-Il m’arrive parfois d’avoir une envie violente et urgente de rentrer à Paris ou chez mes parents au bord de la mer… mais pour des vacances uniquement.
-En 2012, comme la grande majorité des citoyens français (y’a intérêt), j’irai voter pour les présidentielles. Mais j’irai voter sur Fifth Avenue.
-En France, je ne manquais jamais de regarder les Césars en direct, aux États-Unis, je ne manque jamais de regarder les Oscars en direct. Cette année je risque de voir double : j’ai nommé Jean Dujardin!
-Je n’ai pas mon permis de conduire mais j’ai une bonne connaissance du genre cinématographique américain du road trip depuis Five Easy Pieces jusqu'à Little Miss Sunshine
-Je ne saurais pas tricoter une écharpe comme ma copine américaine D., par contre, comme toute Française qui se respecte, je sais porter un foulard.
-Ma mission du weekend, sans cesse renouvelée, est de découvrir les meilleurs nouveaux brunchs à New York, but, hey, it’s true, French Women Don’t Get Fat !
-Je n’ai pas souvenir d’avoir jamais mangé une pâtisserie Paris-Brest, même si, God Knows, j’ai pris cette ligne de train des dizaines de fois ! Pourtant, je me laisserais bien tenter par celui de Dominique Ansel au beurre de cacahouète !
- En France, je préférais être en colocation que vivre seule. A New York, je préfère vivre seule qu’être en colocation. Je suis en colocation à New York car je préfère être en colocation à New York que de ne pas vivre à New York, vous me suivez toujours ?
-Je vais passer les trois prochaines années de ma vie à étudier une forme bien précise des échanges culturels entre la France et les États-Unis…
… alors finalement, mes deux têtes, elles pourront être mises efficacement à contribution !
PS : J’allais presque oublier… : -Je suis capable de dire spontanément « I love you » aux Américains qui comptent le plus dans ma vie (enfin pas non plus à tout bout de champ et à chaque coup de fil pour terminer une conversation!), mais comme beaucoup de Français, j’ai du mal à dire « Je t’aime ». Alors j’en profite pour dédicacer cet article à mes parents.
Rétrospective "La bête à deux têtes" :
Double Indemnity (Billy Wilder, 1944)
The Elephant Man (David Lynch, 1980)
Head-On (Fatih Akin, 2004)
Très belle écriture, j'aime beaucoup. :-)
RépondreSupprimerMerci, ma chère belle tête. Au fait, ce n'était pas des tartines de camembert au petit déjs mais des tartines de fromage de chèvre....Love
RépondreSupprimerJ'ai découvert ton blog par hasard en faisant des recherches sur la lobotomisation.
RépondreSupprimerEnfin bref, ton écriture est vraiment plaisante. Tu fais maintenant parti de mes favoris :).
A bientôt.
Merci!
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