dimanche 5 décembre 2010

Money never sleeps


Chers tous,

Enfin, je viens d'obtenir l'élément crucial qui, au même titre que mon visa de travail, va faire de moi une vraie résidente new-yorkaise. Let's take a guess... Un permis de conduire pour faire des virée dans les Hamptons? Un abonnement au New York Sports Club? La clé de Gramercy Park? Wrong, wrong and wrong! Après avoir appelé un numéro de téléphone automatique et rentré quelques informations succinctes: suis-je employée?, quel est mon salaire annuel?, suis-je locataire ou propriétaire de mon appartement?, le sésame est arrivé par la poste en 3 jours chrono... ma première carte de crédit!!!

Ne soyez pas déçu, il ne s'agit pas d'une carte de crédit au sens français du terme (appellation par ailleurs incorrecte, la carte bleue française est une carte de "débit" uniquement), ma petite mastercard du Crédit agricole m'accompagne partout depuis que j'ai 16 ans (un été à Seattle comme une grande, ça n'a pas de prix). La carte de crédit américaine telle qu'on la pratique ici aujourd'hui date des années 1950s et de l'explosion du marché des biens de consommation. Pour acheter une maison de banlieue, une voiture pour aller au travail en ville, et un frigo pour nourrir la petite famille, les Américains prospères avaient besoin de pouvoir s'endetter temporairement. Et comme le pays ne connaissait pas la crise, nul doute qu'ils pouvaient rembourser une partie de ces emprunts chaque mois. La carte de crédit américaine leur permettait donc de dépenser très facilement de l'argent qu'ils n'avaient pas! C'est plus que jamais le cas aujourd'hui.

Mais quelle idée! En France, l'épargne est reine et si l'on a besoin d'une avance, on doit prendre rendez-vous avec son banquier. Lorsque je suis arrivée ici, j'ai ouvert un compte épargne classique avec carte de paiement/retrait. Pourtant, à chaque fois que je la dégainais dans un magasin, on me demandait: "debit or credit?". Quand j'ai enfin compris en quoi consistait cette différence fondamentale, cela m'a essentiellement rebutée: mis-à-part quelques jongleries avec mon découvert autorisé lors de mes années d'étudiante en France, la notion d'endettement me terrorisait! D'ailleurs, paradoxalement, les debit cards américaines ne permettent absolument pas de descendre en dessous de zéro. Jusqu'à ce les associations de protection des consommateurs se rebiffent récemment, les pénalités étaient ridiculement et exponentiellement élevées si par erreur ou contretemps vous passiez dans le rouge...

L'Amérique est le pays de la culture de l'endettement institutionnalisé. A mon âge, si vous avez fait des hautes-études, il est très rare de ne pas avoir des student loans (emprunts) faramineux à rembourser, car chaque année à l'université coûte plusieurs milliers de dollars rien qu'en frais d'inscription. (Lors de mon année d'échange sur le campus d'un College Ivy League de la Côte Est, j'ai d'autant plus profité de toutes les facilités luxueuses qui étaient à notre disposition, sachant que je n'avais payé que quelques centaines d'euros de frais d'inscription à l'université en France!). A New York, il est donc tout a fait normal d'avoir une, voire même plusieurs, credit cards.

Alors pourquoi ai-je mis de côté mes réticences, et surtout, pourquoi cela fait-il enfin de moi une vraie résidente new-yorkaise? Parce que pour vivre ici, il n'est pas seulement normal d'avoir une credit card, mais également souhaitable et, je dirais même plus, in-dis-pen-sable! "Big brother" me l'a fait comprendre... Lorsque j'ai tenté de changer mon abonnement de téléphone portable, et lorsque j'ai soumis mon dossier de candidature pour la location d'un appartement, je peux vous dire qu'ils n'en avaient plus que rien à cirer que je sois quelqu'un de tellement sérieux qu'elle ne dépense que l'argent qu'elle a sur son compte. La seule chose qui rentre en jeu c'est votre "line of credit", à savoir votre historique d'une utilisation ancienne, fréquente et responsable de votre ou de vos credit cards. Moi qui n'en avait jamais eu, j'étais considérée comme un élément de la société financièrement peu fiable.

Après que je lui ai donné mon social security number (c'est-à-dire, sur le sol américain, votre numéro d'identification pour "big brother"), l'agent à la boutique de téléphonie a regardé son ordinateur et m'a annoncé mystérieusement: "je n'ai pas eu le feu vert" (traduction en Français pour les besoins de ce blog, je précise). Feu vert, de qui, de quoi?... On va en rester avec le terme de "Big brother". Seule solution, garder mon forfait actuel ou faire un chèque de caution de 500 dollars qui serait immédiatement encaissé. Pendant que j'y suis, je vais mentionner une autre anomalie américaine: les chèques n'ont pas vraiment valeur de garantie, mieux vaut ne pas les laisser trainer ou c'est à votre pomme! Cela va donc sans dire que l'on m'a aussi refusé la location de cet appartement (j'y ai quand même emménagé, les parents de ma colocataire américaine s'étant portés garants du montant global du loyer).

Quelle injustice! Mais quel soulagement d'avoir enfin ce petit bout de plastique dans mon portefeuille. Moi qui avait malheureusement laissé trainer cette corvée pendant des mois, sachant qu'on refuserait sûrement de me donner sans difficultés ma première credit card, puisque, ironie du sort, je n'en avais jamais eu auparavant! Mais j'ai reçu une publicité d'une grande institution de crédit dans ma boite aux lettres, appelé le numéro vert, and... the rest is history! Mon étape préférée a été de choisir l'illustration de ma carte (vous pouvez même demander une version avec la photo de vos enfants si ça vous chante!). J'avais le choix entre plusieurs designs pré-établis: un paysage tropical, un dauphin, un Van Gogh etc... Mon cœur a balancé un instant (un instant seulement, et de la même façon que mes parents ont fait l'acquisition d'un nain de jardin authentique il y quelques années de cela) entre une reproduction du document original de la Constitution américaine et le drapeau de mon pays d'adoption...

Finalement, car j'aime beaucoup la photographie, j'ai opté pour celle, célébrissime, des ouvriers perchés dans le ciel sur une poutre lors de la construction du Rockefeller Center. Très à propos, car moi aussi je dois "bâtir" mon crédit... C'est ce que j'ai réalisé en appelant le QG (situé en Utah!) de ma compagnie de crédit pour activer ma nouvelle carte: j'ai le droit m'endetter à hauteur de... 300 dollars, soit le plancher minimum, houhou! Heureusement, la conseillère qui m'a débité de façon incompréhensible les conditions d'utilisation de ma nouvelle carte, a dit une chose qui m'a rassurée sur mon quotta de coolitude, toujours intact. Quand je lui ai répondu que ma ville de naissance était Paris, France, elle s'est écriée de façon très claire cette fois: "Paris! But it's wonderful!"

Rétrospective "Money never sleeps":  
Inside Job (Charles Ferguson, 2010) 
Confessions of a Shopaholic (P.J. Hogan, 2009)
Wall Street (Oliver Stone, 1987)

1 commentaire:

  1. Merci pour les références cinématographiques de fin de "paper"! Excellente idée!
    F.T.

    RépondreSupprimer