dimanche 12 décembre 2010

Inlock your inner potential


Chers tous,

Welcome to New York, la ville qui fait déborder mon cœur et ressortir mes petites (et grosses?) angoisses. A force de manger des bagels, je suis en train de me Woody Allen-iser! Alors comment supporter les excès de la Grosse Pomme? L’individualisme, le dollar-Dieu, le mépris des vacances et du dimanche chômé, le froid brutal de l’hiver ?

Et bien les New Yorkais ont développé des soupapes de détente diverses et variées. Ou comment passer d'un extrême à l'autre... Quelques exemples, à vous de deviner ceux que j'ai déjà testés! Cocktails dès l’heure du brunch ; acuponcture-manucure-pédicure parce que ça rime ; shopping sans limite sur la carte de crédit (si vous n'avez pas déjà lu mon message sur la différence fondamentale entre les "cartes de crédit" françaises et les "credit cards" américaines, c'est par ici !) ; happy-hour étendus, yoga de luxe pour se sentir étendu ; "comfort food" servie dans les restaurants et dans la rue de jour comme de nuit, jogging à Central Park à 6 heure du mat’ ou passage express à la salle de sport pendant la pause déjeuner pour compenser ; massage "pour hommes" à Chinatown, voyantes pour femmes à Greenwich Village ; psys, série TV qui vous invite dans le bureau d’un psy si ça ne vous suffit pas (In Treatment sur la chaîne HBO) ; baby-foot et cafétéria 4 étoiles pour les employés de Google (merci à un de mes amis employé de m’avoir fait découvrir ça !) ; temples, églises et sectes à gogo... et j’en passe et des meilleurs !

Bien sûr, tout cela à un prix, souvent c’est de l’arnaque pure et simple, mais parfois on tombe sur des propositions désintéressées accrochées à un lampadaire du East Village… ! Je me suis ainsi retrouvée nez-à-nez avec un maître spirituel dans la position du lotus... en photo sur un prospectus pour un séminaire gratuit sur l'art de la méditation. Pas effrayée pour un sou, je me suis dit que si, comme c’était annoncé, la méditation vous procure une concentration, créativité, confiance en soi, et joie de vivre accrues, mais aussi une diminution du stress, ainsi que la possibilité de "inlock your inner potential" (ça je vous laisse traduire) et bien ça valait la peine d’essayer !

Me voilà donc un vendredi soir (of all nights !) dans une église moderne de Greenwich Village parmi une véritable FOULE de curieux. Moi qui m'attendais à être entourée de seulement quelques New Yorkais New Age, je me suis vite rendue compte que je n’avais aucune idée de ce que c’était que la méditation… je m'étais même changée en jogging-baskets en sortant du boulot ! Et puis j’avais honte d’en parler directement à mes amis, donc j’avais expliqué vaguement que j’étais à un cours de yoga ! Alors je vais peut-être vous gâcher le suspens, mais la méditation ce n’est pas que pour les hippies, ça n’a rien de ridicule, et… ce n’est pas vraiment pour moi. Voici comment j’en suis arrivée à cette conclusion…

Au début j’étais très motivée, je venais de lire l’ouvrage Rapture recommandé par New York Magazine (et oui, je suis comme ça moi !) écrit par une neuroscientifique qui expliquait comment notre capacité à être concentrés à chaque instant dans les multiples aspects de notre vie de tous les jours pouvait avoir des bienfaits sur notre productivité, notre humeur, notre santé etc. Selon elle, on ne peut pas être heureux à chaque instant, mais on peut contrôler notre attention à chaque instant, et ça ça nous rend heureux ?

Pour en revenir à mes moutons du Tibet, je passe le début de mon vendredi soir à écouter un très bon orateur canadien nous détailler les bénéfices d’une pratique régulière de la méditation, et nous enseigner quelques méthodes pour arriver à cet état dans lequel la concentration est maximale mais ne porte sur rien (je vous conseille d’essayer de ne penser à absolument rien pour plus d’un quart de seconde, c’est pas facile !) C’était donc assez bizarre de se faire expliquer collectivement cet état finalement indescriptible car très personnel (du style, quand vous l’aurez atteint, vous le saurez !) et qui, selon les vétérans de la méditation, se rapproche de la joie la plus pure qui soit. Ça ne vous fait pas envie vous ? Si, comme moi, vous vous sentez motivés mais quand même un peu sceptiques, il vous reste toujours le délicieux thé au jasmin et les brownies faits maison et servis par des femmes en sari et aux cheveux longs…

De retour chez moi, je règle mon réveil pour qu’il sonne un peu plus tôt que d’habitude car, hélas, la méditation est recommandée "first thing in the morning", et plus précisément après la douche, mais avant le petit-déjeuner ! Je ressors aussi des bougies parfumées qui m’avaient été léguées avec dédain par la comptable du bureau (il faut croire que la senteur "coton propre" c’était pas son truc !). Et le lendemain matin, avec les premiers rayons du soleil, je replie mon lit Ikéa en canapé, ce qui me permet de m’asseoir confortablement et le dos droit (ça c’est très important), et me laisse assez d’espace pour installer mon petit "autel", une chaise quoi !, sur laquelle je place la bougie que je suis censée fixer pour méditer. Pour ceux qui me connaissent bien, il est temps de me faire remarquer que, par le passé, j’avais moqué à maintes reprises le côté spirituelo-chelou de mon ancienne coloc, qui avait d’ailleurs installé dans le salon (ma chambre !) un petit autel avec des cristaux et de l’encens et tout et tout.

How ironic ! C’est pourquoi je vous autorise à bien rigoler en m’imaginant les yeux fixés sur ma flamme senteur coton propre à essayer de faire le vide dans mon esprit pour parvenir à cet état de méditation intense censé vous donner de l’énergie pour le reste de la journée. C’est dur ! Il faut de la volonté, de la discipline et, en même temps, une capacité à se laisser-aller. Je rame, décroche, raccroche, et puis, au bout de quelques jours, mon lit se retrouve désespérément en position allongée permanente.

Cependant, je n’ai pas perdu toute volonté de devenir une méditante méritante et décide de m’inscrire pour la session suivante du séminaire. En fait, il s’agit à nouveau d’un cours d’introduction étalé sur 3 jours. Je n’avais pas suivi le programme entier la dernière fois… et vous allez bientôt comprendre pourquoi cette précision est très importante.

Me voilà donc repartie, sans mon jogging cette fois, pour un discours sur les bienfaits de la méditation (pas de doute, je suis toujours convaincue), suivi d’exercices de méditation collective, avec mantra, ou musique indienne, respiration intensifiée etc. Pour ceux qui se posent la question, les seules fois où j’ai eu l’impression d’arriver à un commencement de concentration permettant la méditation, soit un sentiment de calme et l'impression que le corps devient enclume, ça m’a rappelé les séances d’hypnose que j’avais essayées étant plus jeune (ça c’est une autre histoire !). Le thé au jasmin et les brownies étaient toujours là mais, cette fois-ci, l’orateur étaient beaucoup moins fun… et vous allez bientôt comprendre pourquoi cette précision est très importante.

Heureusement, ils nous avaient préparé une surprise de taille, une démonstration par l’homme qui détient le plus de records dans le Guiness Book, un record en soi me-direz-vous ! Par exemple, il peut empiler le plus grand nombre de verres et les faire tenir sur sa tête sans rien casser, il peut faire passer son corps en aller-retour dans la carcasse d’une raquette de tennis le plus rapidement possible, il peut faire des milliers de "jumping jacks" (mouvements de cours de gym)… des records inutiles, certes, mais vous avez compris le message : grâce à la méditation, tout est possible !

Inspirée par toute cette positivattitude, je me rends à la dernière séance, celle que j’avais manquée lors du séminaire précédent. L’orateur, qui vient d’un pays d’Europe du Nord qui m’échappe mais on y trouve du poisson, (et vous allez bientôt comprendre pourquoi cette précision est très importante) commence à nous raconter comment il en est venu à la méditation alors qu’il était encore à l’université… comment cette pratique lui apporte tout ce dont il a besoin pour être heureux dans la vie… comment il se sent plus pur et encore plus investi dans sa méditation depuis qu’il fait du sport et a éliminé certains éléments de son régime alimentaire… viandes, poissons donc!… mais aussi des excitants tels que le café, l’alcool… et à quel point c’est important pour lui de n’avoir aucune "distraction" physique qui détournerait son énergie de la méditation. A ce moment précis, comme un seul homme, la salle entière se redresse sur sa chaise de la même façon que lorsque l’on s’apprête à faire un exercice de méditation collective. Référence à —et oui vous avez compris!—l'abstinence, qui a du mal à passer chez certains, comme vous vous en doutez!

J’écoute bien gentiment son petit discours de moine qu’il conclut par un « pour ceux qui sont intéressées et qui sont prêts à adopter ce nouveau style de vie, nous offrons des cours gratuits pendant 2 mois, tous les mardis et jeudi soir… any questions ? 

Je m’éclipse pendant que les mains fusent et que j’entends une femme d’âge moyen poser très sérieusement sa question: "Oui, mais alors comment on fait si on est déjà mariée ?"... J’irais bien aller boire un verre moi, ça me rend assez zen ça d’habitude… 

Rétrospective "Inlock your inner potential": 
La Vie est un long fleuve tranquille (Etienne Chatiliez, 1987)

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