jeudi 19 avril 2012

Shit French Expats Say

Chers tous,

Pour les Français installés à New York, si le premier réflexe après avoir trouvé un appartement est de prendre l’habitude de faire ses courses chez Trader Joe’s, le second est souvent de se tourner vers la communauté des expatriés from France… Seuls eux pourront partager votre joie profonde, justement, d’avoir découvert un supermarché qui vend, entre autres merveilles, des "Bistro Biscuits" aussi bons que des spéculoos authentiques, et du vin rouge "basique" (qu’en bonne Française je n’utiliserais jamais autrement qu’en cuisine, hum-hum), pour moins de deux dollars chacun ! Les chiffres ne sont pas précisément connus, même si le consulat a fait une enquête encore récemment, mais d’après mes estimations hautement imprécises, nous sommes un bon paquet de Frenchies ici ! J’entends ma langue natale parlée constamment dans la rue ou le métro et, immédiatement, je cherche à distinguer s’il s’agit de touristes ou de "vrais" New Yorkais (s’ils ont à la main des paquets venant de chez Abercrombie and Fitch ou, au contraire, un sac en toile venant de chez Strand, normalement je sais à quoi m’en tenir !)

De façon générale, depuis mon installation à New York j’ai une relation ambiguë avec mes concitoyens "Français de l’étranger" (c’est ainsi que nous sont adressés les emails de campagne des candidats à la présidentielle). Pendant des années, clairement, je les ai évités (d'ailleurs quand j’ai fini par les rencontrer activement, ils étaient un peu surpris de ma réponse quand ils me demandaient si j’étais nouvelle ici.) Encore une fois, j’insiste que ceci est une grossière généralisation, mais j’avoue que j’avais (j’ai ?) des préjugés majeurs envers les V.I.E (participants au programme Volontariat International en Entreprises). Ils sont très nombreux à New York, et très bien rémunérés dans le monde de la finance. Ils évoluent dans une bulle, du Lower East Side à Williamsburg, en passant par l'incontournable, et imbuvable, Meat Packing District. Je les mets au défi de connaître le sens du mot obnoxious, un qualificatif qui sied pourtant à certains d'entre eux aussi bien qu’un petit polo Ralph Lauren. Moi jalouse ? Oui peut-être ! A l’autre extrême, je me voyais difficilement faire plus ample connaissance avec la catégorie fourre-tout des "femmes d’expat", car ayant un (voir deux !) travail à temps-plein, je ne pouvais tout simplement pas assister aux rencontres qui étaient organisées pour la plupart en semaine, en plein milieu de la journée... "Femme d’expat" ça sonne plus moderne que "femme au foyer à New York"... Moi jalouse ? Oui peut-être ! : )  

In any case, par principe je ne voulais pas m’enfermer dans le "ghetto" français et j’étais, et je suis toujours, fière d’avoir cultivé un entourage américain qui m’est très proche. Je n’ai pas pour autant été en manque de "French touch" puisque j’avais des amis de passage ou installés pour plusieurs mois à New York. Mes amis français/européens et américains se côtoyaient. J’avais trouvé mon équilibre. Et puis du temps a passé, certains sont rentrés, certains m’ont quittée, et Skype ne remplaçait décidément pas les sorties parisiennes avec mes BFFs, que j’organisais à la chaîne dès que je rentrais en France…

Il était devenu grand temps de me ré-acclimater à ma propre culture ! Afin de rencontrer de nouvelles têtes, j'ai même dû réapprendre mes propres us et coutumes et, en premier lieu, retrouver le réflexe de faire la bise et non pas de serrer la main à des presque-inconnus (j’exagère à peine) ! Sans doute parce que j’étais enfin "prête à replonger", j’ai eu la bonne surprise de me sentir accueillie à bras ouverts par la constellation des associations françaises de New York (et de me faire des amis que je vois maintenant en dehors de ce cadre). Je vais donc profiter de cet article pour faire passer un <bref message à caractère informatif>... aux fraîchement débarqués de France, aux curieux, ou aux fans de ce blog qui rêvent secrètement de me rencontrer : ) Accueil NY, Apéro Blog NYC, NY French Geek, annual Oscar French party (blague à part), et encore beaucoup d'autres... maintenant vous savez où me trouver, et aussi pourquoi j’ai de moins en moins le temps d'écrire sur ce blog ! De plus, pour ne rater aucun événement francophile de la Grosse Pomme vous pouvez désormais consulter le nouvel  agenda en ligne du consulat : My France in New York. </fin du bref message à caractère informatif>.

L’avantage de se retrouver entre Français à l’étranger, même si les parcours et origines de chacun sont différents, c’est la connexion instantanée qui se crée. S’il est vrai que les Américains sont au premier abord extremely friendly, il est difficile de développer des amitiés solides avec eux. (Cela demande un d’esprit d’ouverture réciproque et un peu de patience !) Au contraire, les Français ont la réputation d’être froids envers les "petits nouveaux", mais de progressivement construire des amitiés profondes et durables. Les Frenchies de New York combinent « the best of both worlds ». Surtout, je dirais que les angoisses liées au déracinement sont particulièrement propices au rapprochement. Un peu comme lorsque l'on se met à parler à ses voisins de rame de métro uniquement parce que le train est en rade ! L’expérience commune (les sueurs froides qui se font sentir dès que l'on se frotte au système de santé américain !), et les référents culturels partagés (pour nous, et même avec son Oscar, Jean Dujardin sera toujours Loulou !), transcendent les critères habituels de regroupement : l'origine géographique, la profession, la situation familiale, le milieu social... (les cours de sociologie me manquent un peu, on dirait !)

Nous formons donc un groupe assez hétéroclite. Pourtant, depuis que je fréquente régulièrement la communauté des Français de New York, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer certaines réflexions/remarques/commentaires récurrents. Certains m'horripilent, certains me font rire, certains me désespèrent, certains me rassurent. Quoi qu'il en soit, j'y suis hyper-sensible... peut-être parce que je vis un choc culturel franco-américain permanent. Prenons par exemple une journée-type "à la Marion" : je commence par une conversation  avec la France sur Skype, ou survole les news people, le tout accompagné d'un café au lait et de bran flakes avant de partir travailler ; je passe la journée en open space américain ; je prends mon goûter fait-maison on the go ; je m’arrête à la NY Public Library pour consulter un ouvrage en français ; je me dispute avec ma coloc californienne ; je me fais un pot avec des amis ("pot" employé ici dans le sens strictement non-américain du terme !) ; j'envoie un texto à ma new yorkaise préférée pour planifier notre prochain brunch ; je lis un ELLE périmé depuis belle lurette, mais ce n'est pas grave ; dodo ; repeat. La liste pourrait être encore plus longue (mais pour ça, allez plutôt voir celle de Travellin' Girl), et ce n'est pas le but de cet article... 

...Le but de cet article est de mettre un coup de projecteur sur ces expressions typiques qui sortent constamment de la bouche des Français à New York. Vous avez sans doute entendu parler du phénomène internet récent des vidéos « Shit [insert category of people] say ». Pour vous rafraîchir la mémoire, s'il en est besoin, consultez l’original, Shit Girls Say, mais aussi, Shit New Yorkers Say que j'avais déjà mentionné dans un post précédent, Shit Hipsters Say, et pour la V.F, Ce que disent les Parisiens. Ainsi, à défaut d’avoir pris une camera, je prends ma plume pour un best of de « Shit French Expats Say » ! Bien sûr, je ne censure pas mes propres citations (je vous laisse les retrouver dans la liste ci-dessous )... Enjoy!

[Scène 1. Intérieur. Jour. Trois Françaises dans la queue d'un supermarché new yorkais quelconque, absorbées par leur conversation animée, elles ne remarquent pas les clients qui s’impatientent autour d'elles.]

-Française#1 : Comment ça d'habitude tu ne fais pas tes courses chez Trader Joe’s ? Tu te rends pas compte, le rapport qualité-prix est imbattable ! 
-Française#2 : Pour moi, c'est simple, si Trader Joe’s n’existait pas, je ne pourrais pas vivre aux États-Unis.
-Française#3 : Vraiment ? Moi, ce qui me manque le plus ici c'est la pâte feuilletée prête-à-cuire, c'est pratiquement impossible d'en trouver dans cette ville !
-Française#1 : Et bien, justement, ils en vendent chez Trader Joe’s !
-Française#2 : Enfin, seulement pour les fêtes.
-Française#1 : Quand même, leur rayon surgelé est presque aussi bien que chez Picard !
-Française#3 : Ah, si seulement ils pouvaient distribuer du Nestlé dessert.
-Française#2 : L’autre jour, ils avait du camembert Le Rustique. A seulement 5 dollars !
-Française#1 : Par contre, t’as déjà touché leur baguette, trop molle non ?...

[Scène 2. Extérieur. Tombée de la nuit. Un groupe de Français en quête d'un restaurant.]

-Français#1 : Ça vous dit un resto, j’ai trop envie d’un burger !
-Français#2 : J’en ai déjà mangé un à midi mais on peut trouver autre chose. Il y a un endroit que je voulais absolument essayer dans le West Village. Attends je sors ma liste...
-Français#3 : Attends, je me connecte à Yelp.
-Français#4 : Attends, je regarde s'il a déjà été sélectionné comme resto de la semaine par Time Out New York.
-Français#5 : Attends, je vérifie s'il en parlent sur Serious Eats.
-Français#6 : Attends, je check le menu et les prix sur Menupages.
-Français#7 : Merde, ils ne prennent pas les réservations !

[Fondu enchaîné. Quelques minutes plus tard. A l’intérieur du restaurant choisi.] 

-Français#1 : Comment ça ils n'ont pas de pain ? Et c’est quoi cette portion minuscule ? On se croirait en France !
-Français#2 : Garçon, vous pouvez retirer les glaçons de mon verre d’eau s’il vous plaît !
-Français#3 : Garçon, vous pouvez baisser la musique s’il vous plaît !
-Français#4 : Garçon, vous pouvez baisser la clim' s’il vous plaît !
-Français#5 : Garçon, vous pouvez baisser le volume de la conversation des Américaines à la table d’à côté s’il vous plaît !
-Français#6 : Garçon, vous pouvez attendre avant de débarrasser, j’ai pas fini mon assiette !
-Français#7 : Garçon, vous pouvez attendre avant d’apporter l'addition, on ne l'a pas encore demandée !
-Français#1 : Bon, le service était vraiment moyen, on leur laisse que 15% ?
-Français#6 : Tu plaisantes j’espère ?
-Français#1 : C'est bon toi, t'es trop généreuse, tu tip comme une Américaine...

[Scène 3. Extérieur. Jour. Trois Françaises stylées se promènent dans les rues de New York.]

-Française#1 : J'en peux plus des touristes français qui font leur shopping sur Broadway !
-Française#2 : Moi j’évite ce coin maintenant. En plus, Urban Outfitter et Banana Republic c’est plus ce que c’était.
-Française#1 : T’as vu ils ont ouvert un Abercrombie and Fitch à Paris.
-Française#3 : Ça me fait penser... il faut absolument qu'on aille voir ce que ça donne Maje et Sandro sur Bleeker Street !
-Française#1 : Carrément ! Et on se fait Woodbury ce weekend ? Il me faut des nouvelles Ugg.
-Française#3 : Les Ugg c’est trop confort !
-Française#2 : Les Ugg c’est trop immonde ! Vous ne voulez pas plutôt aller faire le marché de la mode vintage ?
-Française#3 : Oh my God! Oh my God! Oh my God!
-Française#1 et 2 : Quoi ???
-Française#3 : Je viens de réaliser... mon prochain voyage en France tombe pendant les soldes d’été à Paris !!!

[Scène 4. Intérieur. Nuit. Dans un bar, lors d'une soirée organisée par une association française. Un dialogue de sourds entre une Française et un couple marié récemment expatrié à New York.]

-Française#1 : Bienvenue ! Vous êtes nouveaux à New York ? Quand est-ce que vous êtes arrivés ? 
-Française#2 : Ça fait un moment déjà, depuis... Novembre. Et toi ?
-Française#1 : Moi aussi ça fait un moment... bientôt quatre ans !
-Français#3 : Vous habitez où ?
-Française#1 : On peut se tutoyer... Ah, tu veux dire, moi et mon mari ? Je ne suis pas mariée, je suis venue à New York toute seule, pour travailler. J'habite dans le East Village. Et vous ?
-Française#2 : 72 et Broadway.
-Française#1 : Donc vous êtes voisins avec [couple de Français], [autre couple de Français] et [autre couple de Français] !
-Français#3 : Tu as un J1, un L ?
-Française#1 : H1B. Et toi ?
-Français#3 : E2.
-Française#2 : Moi j'ai une autorisation de travail rattachée à son visa.
-Française#1 : Alors vous travaillez dans quoi ?
-Française#2 : Mon mari a été transféré par [banque française] pour trois ans. Moi je ne pense pas travailler, en local il n'y a pas assez de congés payés.
-Française#1 : [No comment.]
-Français#3 : Et toi, tu vas rester combien de temps ici ?
-Française #1 : Je ne sais pas !

[Scène 5. Intérieur. Nuit. Dîner entre amis.] 

-Française #1 : C'est sympa la déco chez vous !
-Française #2 : Oui, on a tout fait envoyer de France par la boîte... mais il y a des trucs qu'on ne peut pas utiliser à cause des prises électriques américaines. 
-Française #1 : C'est joli cette lampe !
-Française #2 : Oui, celle-là elle vient d'une brocante à Brooklyn.
-Française #1 : Wow, tu crains pas les bed bugs toi... Et vous avez même une chambre d'amis !
-Française #2 : Oui, enfin, entre nous, je commence à fatiguer de faire la guide touristique pour les gens de passage. C'est pas l’hôtel ici !
-Française #1 : Tu savais que c’est plus cher de voyager de New York vers Paris que l’inverse ?
-Française #2 : Oui apparemment. Le billet de notre prochain séjour en France nous a coûté une petite fortune. Mais j'ai trop hâte, je vais enfin pouvoir aller chez le coiffeur !
-Française #1 : Tu me mettras un ELLE de côté
-Française #2 : Sans faute. Avant je le recevais directement ici... pendant un temps la boîte faisait suivre notre courrier.
-Française #1 : Ça te manque pas ? J'adore New York Mag, mais le ELLE français c'est sacré pour moi !
-Française #2 : Je me suis habituée. Par contre, on ne rate jamais le Petit Journal en rediff' sur internet.
-Française #3 : Au fait les filles, vous auriez pas des films à me conseiller sur Netflix ? J'ai déjà fini tout Downton Abbey !
-Française #1 : Il y a cette comédie américaine pas mal au ciné en ce moment.
-Française #3 : Non je ne vais jamais au cinéma ici, sans les sous-titre en anglais ou en français, j'ai trop du mal à suivre. 
-Française #1 : Il faut que tu pratiques plus souvent !
-Française #3 : Je sais mais au boulot j'ai pas trop l'occasion et j'ai pas d'amis américains.
-Française #2 : Pareil pour moi.

[Scène 6. Intérieur. Jour. Salon de thé du West Village.]

-Française #1 : Les meufs, j'ai une grande nouvelle à vous annoncer !
-Française #2 : Vous allez pouvoir rester à New York six mois du plus, c'est ça ?
-Française #1 : Non, on rentre toujours l’année prochaine
-Française #2 : Tu as trouvé un travail, c'est ça
-Française #1 : Non, je suis enceinte !
-Française #3 : Moi aussi !
-Française #4 : Moi aussi !
-Française #5 : Moi aussi !   
-Française #2 : Félicitations, mais... ça ne vous fait pas trop flipper vous d'aller chez le gynéco ici ?

[Fin de l'Acte 1.] 

Amicalement et approximativement-chronologiquement dédicacé à E.+R., A.+F., E., M.+J., M.+P., E.+R., M., L., Z., A., C.+J., E., A. ...

Rétrospective "Shit French Expats Say":
The Conversation (Francis Ford Coppola, 1974)
Nine Months (Chris Columbus, 1995) 
Babel (Alejandro González Iñárritu, 2006)