mardi 5 mars 2013

Just sit back, relax, and enjoy the ride


 Chers tous,

"Pas de nouvelles, bonnes nouvelles". C'est très certainement ce que vous avez dû vous dire en constatant que je n'ai pas actualisé ce blog depuis mon départ des États-Unis. Moi-même je suis assez fan de ce proverbe, surtout lorsqu'il s'agit de rassurer des amies qui attendent les résultats d'un examen, ou lorsque la semaine dernière je n'ai pas reçu mon ELLE dans la boîte-aux-lettres. (Turns out, je suis une innocente victime du mouvement de grève des messageries de la presse, welcome back to France!). Mais vous me voyez venir, et ceci ne sera pas un article sur le mode, "Ah c’était mieux là-bas !" (je bassine déjà assez mes proches en commençant une phrase sur deux par "Oui, mais les New Yorkais, eux au moins..."), ceci sera un article pour d'abord vous dire merci. Vos compliments et encouragements ici, et même , m'ont beaucoup touchée et inspirée. Je n'ai pas l'intention de continuer à alimenter un blog sur la vie à New York maintenant que je n'y habite plus—c'est aussi simple que de ne plus sortir quotidiennement des dollars de son portefeuille, de ne pas marcher dans la neige déposée sur Manhattan par Nemo, ou de ne pas regarder les Oscars entre amis en direct à cause du décalage horaire—mais je ne lâche pas la plume (le clavier) et je vous tiendrai au courant...

Vous vous demandez sans doute comment je vis mon retour en France. Et bien, pour être franche, je n'imaginais pas pouvoir être concernée par le "choc culturel inversé". J'ai déjà vécu plusieurs fois aux États-Unis, j'y revivrai peut-être un jour, no big deal. Comme je vous l'ai déjà dit, je suis une bête à deux têtes. Pourtant, comme par hasard, à peine étais-je descendue de l'avion que tout le monde ne semblait que parler des problèmes de ré-acculturation (et ses variantes : la ré-intégration sociale, la ré-insertion professionnelle, la ré-acclimation en région tempérée océanique... le Français revenant de l’étranger souffre de nombreux maux). Moi je réfutais le terme d'impatrié défini par un journaliste du Monde, même si je me retrouvais dans l'excellent article de mon amie The Travelin' Girl. Lorsque, dans mon entourage plus ou moins proche, on me demandait, "Alors pas trop désespérée d’être rentrée ?" (quelle question!), je répondais avec un sourire indulgent, "Non pas du tout !" Moi la maline, je pensais pouvoir échapper aux effets indésirables liés à la fin de mon expatriation new yorkaise, comme j'avais cru pouvoir garder le contrôle lors de ma rupture avec mon ex-Américain préféré.

Ma première stratégie fut de gérer de façon obsessive–compulsive mon départ de New York. Cela m'a demandé beaucoup de temps et d'efforts, but I would not have it any other way. Je n'ai pas mono-maniaquement arpenté The Grid, même s'il fut un temps où, après mon premier emménagement dans le East Village, je pensais que ce serait une bonne idée, pour vraiment découvrir le quartier, que de parcourir de façon systématique chaque rue entre 4th Avenue et Avenue A, et entre Houston Street et 14th Street, soit environ très exactement 56 blocks. Yes, I know. Le jour même de mon licenciement, complètement hébétée mais fidèle à moi-même, j'ai fait une to do liste à deux entrées (selon l'ordre de priorité et par sujets thématiques). Yes, I know. Rien n'a été négligé. J'ai éteint la lumière, j'ai débranché le frigo, j'ai fermé la porte à clé, et j'ai vérifié que j'avais bien fermé la porte à clé... de ma vie à New York. 

Hélas, cette stratégie n'est pas infaillible, et il faudra quand même préciser que, dans ces tous derniers moments avant de partir, ceux qui restent à jamais gravés dans votre mémoire, je n'en menais pas large. Pour vous resituer la scène... Au premier plan, il y avait moi, frantic et trempée de sueur après avoir enfilé tous les vêtements qui n'avaient pas leur place dans l'une de mes quatre valises, après avoir passé rapidement l'aspirateur dans ma chambre par politesse pour sa future occupante, et après avoir tâché de descendre toute seule 100kg (donc) de bagages sur le trottoir. En arrière-plan on pouvait apercevoir mon colocataire, aussi akward qu'à son habitude, auquel j'ai dis au revoir non moins akwardment. Et, déboulant côté jardin just in time, ma new yorkaise préférée, réquisitionnée pour me tenir compagnie dans une SuperShuttle où, pendant tout le trajet jusqu’à l’aéroport, nous nous sommes raconté nos vies comme si nous étions seules au monde (et si vous connaissez le principe de la SuperShuttle, la salle était comble !).  

Au final, j’espère que les Américains me laisseront revenir parce que je me suis comportée comme une "déportée" modèle. Je n'ai même pas protesté lorsque j'ai réalisé que j'allais voyager en "Economy Premium", une upgrade très certainement due à mes quatre valises précédemment citées. J'ai d'abord eu un mouvement de panique en apercevant ce siège bien trop grand et confortable pour moi, convaincue de m’être trompée d'avion. Yes, I know. Une petite coupe de champagne a eu raison de mes appréhensions. Il ne me restait alors qu'une dernière chose à faire avant d'arriver en France, "just sit back, relax, and enjoy the ride".

Ma deuxième stratégie fut de me shooter à la compagnie de mes amis de New York. J’espérais sans doute ainsi qu'ils me manqueraient moins maintenant qu'un océan nous sépare. J’espérais. J'ai d'abord organisé deux brunch chez moi, à une semaine d'intervalle pour être sure que tout le monde soit disponible à l'une ou l’autre des dates. Ainsi, j'ai enfin pu sortir toutes les nappes que ma mère avait jugé indispensable de m'envoyer au fil des années ; j'ai préparé du café dans la French press abandonnée par ma colocataire précédente (French, elle aussi) ; j'ai servi de la brioche maison préparée pour le plaisir (et pour vider mes placards) ; je me suis assise parmi mes invités ; et je n'ai pas vu le temps passer. Deux fois ! 

Les occasions de se voir avant mon départ ont été heureusement bien plus nombreuses que cela, et toutes inoubliables : après-midi entre filles à la Doughnut Plant de Chelsea ; birthday party dans le Meatpacking district ; soirée pizza sur un rooftop de Midtown ; dégustation des célèbres pork buns de Momofuku dans le East Village ; fundraiser pour Obama dans le West Village ; ballade en roller à Prospect Park ; beer and sushi night avec vue sur la Hudson River ; soirée au Brooklyn Bowl  sans mettre une seule quille à terre ; Apéro blog dans le quartier de Bushwick ; French Geek night chez Bubbles à TriBeCa ; cours de cuisine coaché par un ami ; cours de body-pump coaché par une amie ; soirée Halloween sur le thème "orange" à Williamsburg avant Sandy ; bar éclairé aux chandelles dans la "dark zone" pendant Sandy ; potluck dinner près de Central Park pour débriefer après Sandy (pour ceux qui ne lisent pas ce blog, Sandy c'est une amie que j’espère ne plus jamais revoir !) ; Thanksgiving avec ma famille américaine... Il se reconnaîtront. Autant de moments exceptionnels et on-ne-peut-plus quotidiens de ma vie à New York. Alors j'ai fait de mon mieux pour en profiter sans penser au lendemain, à la YOLO comme disent les Parisiens (You Only Live Once). J'ai essayé de ne pas décompter les jours. J'ai oublié de prendre des photos. Je suis arrivée en avance pour fêter ma dernière soirée new yorkaise, paradoxalement encore plus heureuse que lors de ma première soirée dans la grosse pomme, presque 5 ans plus tôt. En 2008, il y avait moi, petite Française déposée en taxi sur Carmine Street avec seulement deux valises (!), déjà émerveillée par la ville, mais riche de beaucoup moins d'amis. I miss you guys.

Ma troisième stratégie fut de faire des choix. Accepter le fait que, si à Hollywood "you're only worth your last movie", à New York, "you're only worth your last meal". C'est-à-dire qu'il est tout simplement impossible de connaître la ville à fond, autant pour les touristes que pour les locaux. Il y a un turn-over constant, et presque effrayant, de nouveaux restaurants à tester, de nouvelles attractions à découvrir, de nouveaux paysages urbains à explorer. Même armés de votre bible TONY, de votre boussole iPhone, et guidés par les apôtres blogueurs (telle l’enthousiasmante Jeanne), vous n'atteindrez jamais le sacré Graal. Au mieux vous aurez réussi à trouver une table libre dans ce restaurant devenu une scene incontournable. Ainsi, le New Yorker est un être un peu delusional, porté jour après jour par une passion intacte à relever ce défi infini et irréalisable, celui de conquérir sa propre ville. Because, what else ? 

Mon temps étant devenu limité, il a donc fallu faire des choix. Je n'ai pas, telle une candidate survoltée de Fort Boyard, rempli de pièces d'or mon T-shirt, les mes poches de mon jean, ET ma culotte. Je n'ai pas essayé de faire tenir New York dans ma valise, pardon, dans mes quatre valises. Cela ne m'a pas empêchée de prendre du temps pour arpenter la ville en long, en large, et en upsate, (je vous recommande chaudement le musée de Beacon), le tout en bonne compagnie, (Clémentine, I'm looking at you). Mais avec un pincement au cœur car, avant même de quitter la grosse pomme, je me savais déjà hors-compétition.  

Lors de ma dernière journée complète avant de prendre l'avion, je me rappelle avoir simplement suivi mes envies, même celles qui n’étaient pas sur le menu, comme les pancakes lemon-ricotta-raspberry au Essex Street Market. J'ai ensuite commandé un mocha à emporter chez 88 Orchard ; j'ai fait un aller-retour sur le pont de Williamsburg pour admirer encore une fois la skyline de Manhattan ; je me suis retrouvée à traverser le plateau de tournage d'un film ou d'une série TV à Soho ; et j'ai finalement atterri à "All Good Things" (indeed!) juste pour le plaisir d'observer les gens autour de moi. Puis je suis rentrée, j'ai mis une robe, j'ai mis du rouge à lèvres, j'ai mis mes larmes en mode "démarrage différé", et je suis allée profiter de mes amis réunis dans un bar du East Village. Drink and be merry. 

Mon ultime stratégie fut, wait for it, wait for it, de faire en sorte d'avoir les ongles toujours manucurés jusqu’à mon départ. Voila, ça c'est dit.

Il est maintenant temps de faire le bilan de la méthode Marion en V.O pour éviter le choc culturel inversé. Comment s'est passé mon retour en France ? 

J'ai d’abord été frappée par la Noël-ite aiguë (si si, vous savez exactement de quoi je parle, de cette irrésistible envie de décorer l'arbre familial, de manger les meilleurs repas de l’année, et de regarder des DVD au coin du feu). Puis ces symptômes se sont estompés, 2013 est arrivé, mais le bonheur d'avoir retrouvé ma famille et mes amis en France est toujours intact. Et heureusement qu'ils sont là parce que pour le reste, c'est plus compliqué !

Je ne vais pas rentrer dans les détails. Je ne vais pas vous expliquer pourquoi la première chose que j'ai cuisiné en France sont des bagels maison. Je ne vais pas vous avouer que le seul bar que j'ai voulu essayer avec un réel enthousiasme à Paris sert de la Brooklyn Lager et se trouve à SoPi ("South Pigalle" dans la terminologie locale, empruntée de vous savez où). Je ne vais pas ajouter que c'est également dans ce coin de Paris que l'on trouve un pub nommé "Times Square" et que, ironiquement, sa clientèle de base n'est certainement pas constituée de touristes en goguette, contrairement au quartier de New York auquel il fait référence. Je ne vais pas vous dire que je ne trouve cela pas du tout réconfortant que le hall d’entrée du cabinet d'analyses médicales le plus près de chez moi soit décoré de posters géants représentant les rues de Manhattan et ses fameux yellow taxi cabs. Je ne vais pas préciser que cette prise de sang a été prescrite par mon nouveau médecin traitant convaincu que parce que je rentre de New York, j'ai forcément besoin d'un check-up (comme s'il n'y avait pas de docteurs compétents aux U.S) et aussi, allez savoir pourquoi, que je devrais vérifier par une radio si je n'ai pas une jambe plus courte que l'autre !!!

Je ne vais pas vous raconter comment l'obsession (le complexe d’infériorité ?) de Paris vis-à-vis de la grosse pomme s'est répandu comme une traînée de poudre pendant mon absence. Hello cheesecake devenu obligatoire sur la carte des desserts des bistrots traditionnels ! Hello magasin Forever 21 annoncé sur la rue de Rivoli ! Hello baristas barbus bientôt plus nombreux que les garçons de café ! Hello bars à ongles ! Hello nouveaux lieux bobo incontournables aux noms exotiques tels que le Coney Island Dinner, le Lefty, le Bones, le PNY, le Tuck Shop, le Glass, le Ten Belles, le Wanderlust. Et comble du comble : l'ouverture du café le "Garden Perk", qui se veut une réplique fidèle à celui de la série TV Friends

Tout cela ne m'aide pas vraiment à tourner la page sur mon mode de vie américain et cela crée pas mal de frustrations. Par exemple, étant une fan du brunch depuis la première heure, je suis a priori ravie que cette mode se soit installée à Paris, mais franchement, qui est l'idiot qui a décrété qu'il serait impossible de savourer cette simple combinaison d’œuf, de beurre, de lait, et de farine, le tout arrosé de café, pour moins de 25 euros, soit l’équivalent de 32,65 dollar par tête ? So I have become a conflicted French. J'essaye de transformer ma nouvelle vie en séjour d'immersion de longue durée à Paris, et puis je craque et m'engouffre dans un Starbucks, même si mon tall non-fat misto n'a plus le même goût. Cela va passer. Yes, I know. Je suis juste encore marquée par l’hématome du choc culturel inversé.

En attendant, je vous remercie d'avance mes chers tous, d'en être arrivés jusqu’au bout de ces lignes et de ce blog. Je veux finir cet article sur ces quelques réflexions philosophiques empruntées à une grande figure de l'optimiste et du renouveau à l'américaine. Il s'adressait ainsi récemment à ses proches :

"I want to thank them and I want to thank what they taught me, which is that you have to work harder than you think you possibly can. You can't hold grudges. It's hard but you can't hold grudges. And it doesn't matter how you get knocked down in life because that's going to happen. All that matters is you gotta get up." (Ben Affleck, Oscars 2013)

Et surtout, merci à ma chère grosse pomme, New York, la ville où j'ai appris à faire du vélo sans les petites roues.

Rétrospective "Just sit back, relax, and enjoy the ride" :
The Long Goodbye (Robert Altman, 1973) 
Coming Home (Hal Ashby, 1978) 
Airplane! (Jim Abrahams, David Zucker and Jerry Zucker, 1980)
Frantic (Roman Polanski, 1988)
Home Alone 2: Lost in New York (Chris Columbus, 1992) 
Happy End (Amos Kollek, 2003)  
All Good Things (Andrew Jarecki, 2010)

20 commentaires:

  1. whaouhou.... suis impressionnée.
    Merci!!

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  2. Très joli, très émouvant et toujours aussi bien écrit, votre prose me manquera ! ;-)

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    1. Merci cher lecteur, dans ce cas je dois vraiment trouver une autre source d'inspiration alors !

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  3. Tu me files presque les larmes aux yeux!!! Il va vraiment me manquer ton blog!
    Ca m'a aussi marqué en Décembre à quel point Paris veut ressembler à NY. Au moins 3 bagelstores ont ouvert en un an dans mon ancien quartier!! Eh oh Paris, la bonne baguette c'est quand même vachement meilleure!!!
    Bises
    Jeanne (qui va essayer de garder tout son enthousiasme aussi longtemps que NY voudra bien d'elle!)

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    1. Awwww merci beaucoup Jeanne! Rassure toi, je profite à fond de la baguette, ainsi que du marché en bas de chez moi, un luxe bien parisien : )
      Keep up the good work, Bises !

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  4. Ca fait un peu peur de lire tout ça, disosn que ça ne fait que confirmer mon eventuelle appréhesion du retour non souhaité le jour ou il arrivera si cela arrive... mais j'espere que tu ecriras encore, sur New York ou non, car ça serait du talent gaché si tu ne le faisais pas! A bientot.. Ici ou ailleurs!

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    1. Merci pour tes encouragements Clara! Le but n’était pas de vous alarmer mais de vous redire, profitez-en bien !!! Il y a des moments moins faciles à New York aussi, mais surtout cet optimisme inébranlable... Say hi to the French bloggers for me :)

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  5. Très émouvant! En espérant retrouver ta prose bientôt, à travers de nouveaux projets/sujets ou belles aventures!

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    1. Merci merci ! Et je t'avoue que je ne rate jamais un nouvel article de votre blog à quatre mains, d'abord pour vos observations de jeunes parents à New York sans BS, et pour vos petits bouts a-do-rables!

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  6. Merci Marion pour ton blog, quel plaisir de te lire! Je pars m'y installer en Juillet et ca donne envie!
    Après Sydney, Dubai & Paris, encore une nouvelle ville qui a l'air passionnante! J'ai hâte!

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    1. Merci Clémence l’aventurière! N'oublie pas de consulter mon blog de A à Z avant ton installation, une lecture indispensable :) Et fais-mon signe si l'inspiration de commencer un blog te prend!

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  7. WOW quel article! Bonne continuation en tout cas ;-)

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  8. Le complexe d'infériorité de Paris vis-à-vis de NY, ça marche aussi dans l'autre sens.

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    1. Oui on trouve aussi la Parisian touch à New York mais ce n'est pas la même chose je trouve...

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  9. L'apéro-blog à Bushwick :)
    L'obsession parisienne pour New York existe aussi dans l'autre sens. Elle est même plus forte et plus ancienne, je dirai. Paris a été autocentré pendant très longtemps. Les deux villes s'aimantent.
    Un conseil : fais la liste de tout ce qui te saoulait à NYC et aux USA et profite du fait que tu n'auras plus à le supporter :d... une manière de redécouvrir les atouts de la mentalité française !
    Ken Métrosexuel
    http://lemetropolitanblog.com

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