dimanche 12 décembre 2010

Gunshots and Chakras

Chers tous,


Des anecdotes comme celle-là j'en ai tellement... Un beau jour, j’ai croisé Alec Baldwin près de Gramercy Park en route pour le boulot et puis, après le boulot, Vampire Weekend au boulot… en train de faire la promo de leur nouvel album. C'est ça la magie de Disneyland New York! Mais je voulais vous parlez d'autre chose. J’ai reçu un email horrifiant d'une amie m’informant indirectement que le centre de méditation qui a organisé les séminaires que j’ai suivis à New York, fondé par Sri Chinmoy, est considéré en France comme une secte ! Et bien je l’ai échappé bel on dirait ! De toute façon, comme vous l’avez lu, j’en étais arrivée par moi-même à la conclusion que la méditation/abstinence ça ne me convenait pas. Alors je me suis dit que je pourrais tenter le yoga, combinaison parfaite de sport et de relaxation, n’est-ce pas ? Attention, là je vais faire une phrase qui va vous paraître absurde, mais je vous préviens, tout est vrai… Brace yourselves !

Donc un samedi matin, je me mets en route pour un cours de yoga après une soirée bien arrosée (puisque j’avais laissé tomber la méditation), qui avait commencé uptown avec la famille de mon Américain, et finie downtown dans un bar-karaoké pour l’anniversaire de son amie chanteuse d’opéra ; ensuite j’avais dû dire au revoir à mon Américain qui allait passer une semaine dans un camp de nudistes gays pour tourner un film de commande très bien payé ; avant d’aller me coucher et de me faire réveiller au milieu de la nuit par un son évocateur de films de gangsters, et de me dire « c’est pas possible, s’il s’agissait vraiment de coups de feu, je devrais déjà entendre les sirènes de police » ; et de me demander mollement si ma colocataire qui fait barmaid tous les vendredi soirs était déjà rentrée ; et puis de me rendormir aussi sec en songeant « enfin bon, c’est New York quand même »… Ouf !

Turns out… Oui, il s’agissait bien d’un meurtre, dans ma rue (Alphabet City), juste en face du bar-karaoké où j’étais quelques heures plus tôt et, non, ma coloc n’était pas encore à la maison au moment des faits, elle est passée plus tard juste à côté des voitures de police que je n’avais pas entendues dans mon demi-sommeil. Je réalise donc en sortant de chez moi ce matin là qu’on est bien aux Etats-Unis, que certaines personnes se baladent bien avec des armes à feu en toute liberté (si seulement il y avait aussi une Statue de l’égalité, de la fraternité, et même de la laïcité ici ce serait pas mal !), et qu’Alphabet City reste fidèle à sa réputation du dernier quartier downtown parfois craignos tard le soir… bon esprit pour commencer ma matinée de yoga!

Ma dernière (et seule ?) expérience de ce "sport" c’était du temps de mes années d'étudiante à Lyon, quand j’allais au club de gym de l’autre côté du pont… Avec mes colocs on s’étaient inscrites toutes ensemble, mais j’étais la plus assidue (héhé), la chouchoute de Maurice, notre prof body-buildé décrépi. Dans mes souvenirs, le yoga c’était de l’encens, la voix suave de Maurice, la positon du lotus, les exercices de respiration et… il faut bien le dire, assez chiant ! Depuis que j’avais commencé à courir, j’avais trouvé ma drogue la plus saine, mais, dernièrement, mes genoux était devenus un peu trop fragiles, c’est pourquoi je recommençais à songer au yoga. Et puis le yoga c’est soooooo New York.

C’est tellement populaire ici que je croise en permanence des hipsters avec leur Mud coffee (le café pour les anti-Starbucks altermondialistes du East Village) dans une main et leur tapis de yoga dans l’autre… C’est tellement populaire qu’il existe des clubs aux quatre coins de la ville qui proposent toutes sortent de variations obscures pour les néophytes comme moi : Hatha Yoga, Bikram Yoga, Ashtanga Yoga, sur Wikipedia ils listent aussi le Doga=Dog Yoga, et pour les exhibitionnistes, le Naked Yoga… C’est tellement populaire que le New York Times peut publier un article de trois pages à propos du yoga dans sa section gastronomie. C’est tellement populaire qu’il existe une marque de vêtements spécial yoga, "lululemon", qui vend des caleçons à plus de 100 dollars comme des petits pains. Conclusion, la pratique du yoga est tellement populaire… que c’est un luxe ! New York, la ville paradoxe, je vous le répète ! Car la philosophie du yoga c’est plutôt l’humilité et la frugalité, il me semble ! Heureusement, il existe une association ("Yoga to the People") qui propose des cours gratuits ou presque : il faut faire une donation.

Sans hésiter, je me dirige vers leurs locaux, et me retrouve pour mon premier cours de yoga New Yorkais dans une salle bondée où chaque centimètre compte pour faire réussir à rentrer tous ces généreux donateurs… Ça commence bien ! Il y a tellement d’élèves que je distingue à peine la prof, mais je dois pourtant réussir à adopter des positions qui ne me sont ni familières, ni naturelles, et encore moins confortables… Je prends pour modèle l’une des filles situées à mes côtés qui a l’air de savoir ce qu’elle fait et tente de créer l’illusion que moi aussi je peux être un "Downward Facing Dog", "Upward Facing Dog", "Awkward Chair", "Warrior I", "Warrior II".


L’horreur ! Je transpire parce que c’est l’été. Beaucoup. Lorsque j’essaye de passer ma jambe par dessus mon épaule en bloquant avec mon bras (enfin, un truc dans le genre), et bien ça glisse ça glisse ça glisse… En plus la position "de repos", c’est à quatre pattes avec tout le poids du corps dans les avant-bras, je vous dis pas comme c’est pas du tout reposant ! Et avec ça, je suis censée me détendre malgré la consternation que provoquent chez moi les soupirs et gémissements extatiques de mes camarades de classe, je suis censée respirer en harmonie avec les mouvements erratiques de mon corps afin de profiter de ces sensations pleinement, le tout coincée entre la baba cool qui ne se rase pas les aisselles et le mec en transe spirituelle au torse nu luisant, pendant que la prof, béate, conclut la séance, par trente secondes de philosophie de supermarché. Mais où est Maurice ? 

Rétrospective "Gunshots and Chakras": 
Klute (Alan J. Pakula, 1971)

Inlock your inner potential


Chers tous,

Welcome to New York, la ville qui fait déborder mon cœur et ressortir mes petites (et grosses?) angoisses. A force de manger des bagels, je suis en train de me Woody Allen-iser! Alors comment supporter les excès de la Grosse Pomme? L’individualisme, le dollar-Dieu, le mépris des vacances et du dimanche chômé, le froid brutal de l’hiver ?

Et bien les New Yorkais ont développé des soupapes de détente diverses et variées. Ou comment passer d'un extrême à l'autre... Quelques exemples, à vous de deviner ceux que j'ai déjà testés! Cocktails dès l’heure du brunch ; acuponcture-manucure-pédicure parce que ça rime ; shopping sans limite sur la carte de crédit (si vous n'avez pas déjà lu mon message sur la différence fondamentale entre les "cartes de crédit" françaises et les "credit cards" américaines, c'est par ici !) ; happy-hour étendus, yoga de luxe pour se sentir étendu ; "comfort food" servie dans les restaurants et dans la rue de jour comme de nuit, jogging à Central Park à 6 heure du mat’ ou passage express à la salle de sport pendant la pause déjeuner pour compenser ; massage "pour hommes" à Chinatown, voyantes pour femmes à Greenwich Village ; psys, série TV qui vous invite dans le bureau d’un psy si ça ne vous suffit pas (In Treatment sur la chaîne HBO) ; baby-foot et cafétéria 4 étoiles pour les employés de Google (merci à un de mes amis employé de m’avoir fait découvrir ça !) ; temples, églises et sectes à gogo... et j’en passe et des meilleurs !

Bien sûr, tout cela à un prix, souvent c’est de l’arnaque pure et simple, mais parfois on tombe sur des propositions désintéressées accrochées à un lampadaire du East Village… ! Je me suis ainsi retrouvée nez-à-nez avec un maître spirituel dans la position du lotus... en photo sur un prospectus pour un séminaire gratuit sur l'art de la méditation. Pas effrayée pour un sou, je me suis dit que si, comme c’était annoncé, la méditation vous procure une concentration, créativité, confiance en soi, et joie de vivre accrues, mais aussi une diminution du stress, ainsi que la possibilité de "inlock your inner potential" (ça je vous laisse traduire) et bien ça valait la peine d’essayer !

Me voilà donc un vendredi soir (of all nights !) dans une église moderne de Greenwich Village parmi une véritable FOULE de curieux. Moi qui m'attendais à être entourée de seulement quelques New Yorkais New Age, je me suis vite rendue compte que je n’avais aucune idée de ce que c’était que la méditation… je m'étais même changée en jogging-baskets en sortant du boulot ! Et puis j’avais honte d’en parler directement à mes amis, donc j’avais expliqué vaguement que j’étais à un cours de yoga ! Alors je vais peut-être vous gâcher le suspens, mais la méditation ce n’est pas que pour les hippies, ça n’a rien de ridicule, et… ce n’est pas vraiment pour moi. Voici comment j’en suis arrivée à cette conclusion…

Au début j’étais très motivée, je venais de lire l’ouvrage Rapture recommandé par New York Magazine (et oui, je suis comme ça moi !) écrit par une neuroscientifique qui expliquait comment notre capacité à être concentrés à chaque instant dans les multiples aspects de notre vie de tous les jours pouvait avoir des bienfaits sur notre productivité, notre humeur, notre santé etc. Selon elle, on ne peut pas être heureux à chaque instant, mais on peut contrôler notre attention à chaque instant, et ça ça nous rend heureux ?

Pour en revenir à mes moutons du Tibet, je passe le début de mon vendredi soir à écouter un très bon orateur canadien nous détailler les bénéfices d’une pratique régulière de la méditation, et nous enseigner quelques méthodes pour arriver à cet état dans lequel la concentration est maximale mais ne porte sur rien (je vous conseille d’essayer de ne penser à absolument rien pour plus d’un quart de seconde, c’est pas facile !) C’était donc assez bizarre de se faire expliquer collectivement cet état finalement indescriptible car très personnel (du style, quand vous l’aurez atteint, vous le saurez !) et qui, selon les vétérans de la méditation, se rapproche de la joie la plus pure qui soit. Ça ne vous fait pas envie vous ? Si, comme moi, vous vous sentez motivés mais quand même un peu sceptiques, il vous reste toujours le délicieux thé au jasmin et les brownies faits maison et servis par des femmes en sari et aux cheveux longs…

De retour chez moi, je règle mon réveil pour qu’il sonne un peu plus tôt que d’habitude car, hélas, la méditation est recommandée "first thing in the morning", et plus précisément après la douche, mais avant le petit-déjeuner ! Je ressors aussi des bougies parfumées qui m’avaient été léguées avec dédain par la comptable du bureau (il faut croire que la senteur "coton propre" c’était pas son truc !). Et le lendemain matin, avec les premiers rayons du soleil, je replie mon lit Ikéa en canapé, ce qui me permet de m’asseoir confortablement et le dos droit (ça c’est très important), et me laisse assez d’espace pour installer mon petit "autel", une chaise quoi !, sur laquelle je place la bougie que je suis censée fixer pour méditer. Pour ceux qui me connaissent bien, il est temps de me faire remarquer que, par le passé, j’avais moqué à maintes reprises le côté spirituelo-chelou de mon ancienne coloc, qui avait d’ailleurs installé dans le salon (ma chambre !) un petit autel avec des cristaux et de l’encens et tout et tout.

How ironic ! C’est pourquoi je vous autorise à bien rigoler en m’imaginant les yeux fixés sur ma flamme senteur coton propre à essayer de faire le vide dans mon esprit pour parvenir à cet état de méditation intense censé vous donner de l’énergie pour le reste de la journée. C’est dur ! Il faut de la volonté, de la discipline et, en même temps, une capacité à se laisser-aller. Je rame, décroche, raccroche, et puis, au bout de quelques jours, mon lit se retrouve désespérément en position allongée permanente.

Cependant, je n’ai pas perdu toute volonté de devenir une méditante méritante et décide de m’inscrire pour la session suivante du séminaire. En fait, il s’agit à nouveau d’un cours d’introduction étalé sur 3 jours. Je n’avais pas suivi le programme entier la dernière fois… et vous allez bientôt comprendre pourquoi cette précision est très importante.

Me voilà donc repartie, sans mon jogging cette fois, pour un discours sur les bienfaits de la méditation (pas de doute, je suis toujours convaincue), suivi d’exercices de méditation collective, avec mantra, ou musique indienne, respiration intensifiée etc. Pour ceux qui se posent la question, les seules fois où j’ai eu l’impression d’arriver à un commencement de concentration permettant la méditation, soit un sentiment de calme et l'impression que le corps devient enclume, ça m’a rappelé les séances d’hypnose que j’avais essayées étant plus jeune (ça c’est une autre histoire !). Le thé au jasmin et les brownies étaient toujours là mais, cette fois-ci, l’orateur étaient beaucoup moins fun… et vous allez bientôt comprendre pourquoi cette précision est très importante.

Heureusement, ils nous avaient préparé une surprise de taille, une démonstration par l’homme qui détient le plus de records dans le Guiness Book, un record en soi me-direz-vous ! Par exemple, il peut empiler le plus grand nombre de verres et les faire tenir sur sa tête sans rien casser, il peut faire passer son corps en aller-retour dans la carcasse d’une raquette de tennis le plus rapidement possible, il peut faire des milliers de "jumping jacks" (mouvements de cours de gym)… des records inutiles, certes, mais vous avez compris le message : grâce à la méditation, tout est possible !

Inspirée par toute cette positivattitude, je me rends à la dernière séance, celle que j’avais manquée lors du séminaire précédent. L’orateur, qui vient d’un pays d’Europe du Nord qui m’échappe mais on y trouve du poisson, (et vous allez bientôt comprendre pourquoi cette précision est très importante) commence à nous raconter comment il en est venu à la méditation alors qu’il était encore à l’université… comment cette pratique lui apporte tout ce dont il a besoin pour être heureux dans la vie… comment il se sent plus pur et encore plus investi dans sa méditation depuis qu’il fait du sport et a éliminé certains éléments de son régime alimentaire… viandes, poissons donc!… mais aussi des excitants tels que le café, l’alcool… et à quel point c’est important pour lui de n’avoir aucune "distraction" physique qui détournerait son énergie de la méditation. A ce moment précis, comme un seul homme, la salle entière se redresse sur sa chaise de la même façon que lorsque l’on s’apprête à faire un exercice de méditation collective. Référence à —et oui vous avez compris!—l'abstinence, qui a du mal à passer chez certains, comme vous vous en doutez!

J’écoute bien gentiment son petit discours de moine qu’il conclut par un « pour ceux qui sont intéressées et qui sont prêts à adopter ce nouveau style de vie, nous offrons des cours gratuits pendant 2 mois, tous les mardis et jeudi soir… any questions ? 

Je m’éclipse pendant que les mains fusent et que j’entends une femme d’âge moyen poser très sérieusement sa question: "Oui, mais alors comment on fait si on est déjà mariée ?"... J’irais bien aller boire un verre moi, ça me rend assez zen ça d’habitude… 

Rétrospective "Inlock your inner potential": 
La Vie est un long fleuve tranquille (Etienne Chatiliez, 1987)

mardi 7 décembre 2010

Lobotomisation télévisuelle

 

Chers tous,

Pour commencer, un petit quiz... Compléter la phrase suivante: "Moi qui suis une passionnée de cinéma, le soir quand je finis ma journée de travail, la première chose que que je fais c'est:

a) utiliser le passe qui me fait bénéficier d'entrées gratuites dans la plupart des cinémas d'art et essai de la ville (de la Film Society du Lincoln Center à BAM, en passant par le MoMA)

b) utiliser l'abonnement à Netflix qui me permet non seulement de recevoir des DVD par courrier, mais aussi d'accéder à une quantité impressionnante de films en streaming sur mon ordinateur (de Ça Commence Aujourd'hui à Final Destination 3, en passant par Les Sentiers de la gloire... si vous suivez ma logique!)

c) utiliser les boutons de ma télécommande pour entrer dans l'univers fascinant des programmes de télé américains (de la chaine 1 à la chaine 1994, sans passer par HBO, nous n'avons que le câble basique!)"

Alors de temps en temps, le petit a) est la bonne réponse. Entendre Jerry Schatzberg parler, après la projection de l'unique copie existante son premier film, Puzzle of a Downfall Child, de son travail de photographe et de réalisateur, et de s'excuser que son amie Faye Dunaway n'est pas pu passer à la dernière minute, c'est l'un des privilèges cinéphiliques réservés aux New Yorkais qui mérite de braver le froid de l'hiver!

Malheureusement, et je ne suis pas fière de l'avouer, la facilité me fait souvent céder à la tentation du petit c). Le paysage audiovisuel de ce côté-ci de l'Atlantique est fascinant, car très différent de tout ce que vous pouvez imaginer... Même si le monde entier est envahi de retransmission d'émissions américaines diverses et variées, en version originale ou doublées, rien ne vous prépare à la frustration éprouvée face au saucissonage de la grille télé aux US.

Considérons un film hollywoodien classique de 1H45 minutes. En France (et de mon temps!) il aurait été diffusé de 20H45 à 22H30 le dimanche soir sur TF1, avec une coupure pub au milieu pour aller faire pipi. Ici, pour les besoins des annonceurs, on fait toujours démarrer le film à une heure "ronde" afin de fidéliser une audience (par exemple, 19H ou 22H30); on interrompt l'action pour la "réclame" toutes les 15 minutes (plus souvent s'il s'agit d'une série); on saupoudre plus ou moins généreusement de spots publicitaires selon le nombre de téléspectateurs supposés présents devant leur poste; et on remplit successivement des boites de 30 minutes car un film se termine toujours, comme il a commencé, à une heure "ronde"... Ainsi un long-métrage de 1H45 minutes qui commencerait à 21H (grosso modo comme en France) se terminerait ici à... 23H30!

Voilà pour la forme. Pour le fond, je vais prendre l'exemple d'une émission de télé-réalité très populaire aux US et chère à mon cerveau quand il a besoin d'un débranchage express. Ça se passe sur MTV et ça s'appelle "Sixteen and Pregnant" ("16 ans et enceinte"). Si le titre parait limpide, il est important de noter qu'il n'est pas complètement exact, parfois les jeunes filles ont 17, voire même, oulah, 18 ans! En général elles sont encore lycéennes, et pratiquement toujours originaires du Midwest ou du Sud profond, régions des États-Unis où l'on pense encore que la pilule peut se prendre 1 fois sur 2 sans conséquences, et où l'avortement, semble-t-il,  n'existe pas. Depuis New York, et pour une Française, c'est un peu comme regarder un documentaire de la chaine National Geographic!

La série se veut à vocation éducative (avant la conclusion de chaque épisode, un écran sponsorisé par MTV nous rappelle que les grossesses adolescentes sont "100% évitables"), mais esquive totalement l'option de l'IVG (sans doute car le débat  fait toujours rage dans certains états américains). Moi, je me disais que, si on n'en parlait jamais, c'était tout simplement parce qu'à chaque fois je prenais la série en cours, et ratais le début de l'épisode au cours duquel la possibilité d'un avortement était surement mentionnée. J'avais tord!

Les épisodes commencent tous de la même façon, avec la voix-off de l'héroïne récitant: "Je m'appelle Amber/Aubrey/Nikkole...; j'ai 16 ans/16 ans et demi/17 ans...; j'aime participer aux entrainements de chearleaders/ faire du shopping avec mes amies/ aller à la chasse (de plus en plus glamour ça, merci Sarah Palin)...; j'ai un petit copain (gros plan sur un ado boutonneux) depuis 2 semaines/ 6 mois/ 1 an et demi...; je rêve de devenir infirmière/infirmière/infirmière...; mais tout ça est sur le point de changer car... I'm sixteen and I'm pregnant!"

Ensuite MTV se propose de donner une vision réaliste des difficultés qui attendent l'adolescente, le tout en 45 minutes chrono (avec, bien sûr, 5 coupures pub!): dispute puis réconciliation avec les parents, interruption du parcours scolaire et surtout social des années lycées, rupture avec le désormais fiancé qui n'est pas assez mature, problèmes d'argent et de logement etc. Le plus scotchant c'est qu'au milieu de chaque épisode, on assiste à l'accouchement et, grâce aux caméras, c'est presque comme si on y était! D'ailleurs, je ne peux pas m'empêcher de baisser le son si mes colocs sont dans les parages, c'est gênant! La série est diffusée tous les jours alors imaginez le nombre d'eaux perdues, de contractions, de gémissements, de pleurs, de "push!", et puis de sourires timides des nouvelles mamans (d'ailleurs elles trouvent toujours le moyen de donner des noms limite ridicules à leur nouveaux-nés, par exemple le célèbre Bentley, oui, comme la voiture!).

La série marche fort, et elle-même a fait des bébés: "Teen Mom" et "Baby High" (encore une fois, tout est dans le titre!) Et des rumeurs circulent sur internet selon lesquelles certaines fans feraient exprès de tomber enceinte pour pouvoir participer au casting! Quand à moi, je suis proche de l'over-dose, mais j'ai du mal à me sevrer de ce guilty pleasure!... Mon excuse c'est que je fais des recherches pour mon blog:) Alors évidement on ne doit pas généraliser, mais quand on considère la télévision américaine dans la forme et dans le fond comme je viens de le faire ici, passer du temps devant, même si cela semble reposant, c'est plutôt lobotomisant.

Alors pour sauver vos neurones sans vous priver de ces moments de détente et d'exploration de la culture américaine low-brow, je vous propose un petit guide de bon visionnage télévisuel. Par exemple pour un épisode d'une autre série de télé-réalité qui fait fureur aux US: "Keeping Up with the Kardashians"

-Générique: on ne s'installe pas trop confortablement dans le canapé du salon.

-Coupure pub #1: on supporte la première coupure jusqu'à ce que soit diffusé un de ces spots pour un médicament, ils commencent toujours avec des gens qui ont l'air triste, puis qui sourient pendant que la liste complète des effets secondaires terrorisants du produits sont énumérés, et le supplice se termine enfin sur l'injonction de parler de ce traitement à votre médecin car, si vous obtenez une ordonnance, sa première prise est gratuite. C'est à ce moment là je m'échappe dans la cuisine pour commencer à préparer mon diner.

-Première partie de l'épisode: les soeurs KKK Kardashians (Kim, Kourtney et Khloe) pensent que leur mère qui a eu 6 enfants, maintenant qu'elle ne peut plus tomber enceinte, a besoin de pouponner malgré tout. Elles lui "louent" un chimpanzé pour une semaine. Je mange mon dîner, perplexe.

-Coupure pub #2 : je saute du canapé, pas de temps à perdre, je vais faire la vaisselle, ranger mon linge sec, me brosser les dents. Je me rassois au moment de la pub pour les infos! "Ce soir ne ratez pas le journal de 22h et vous saurez tout sur les dernières déclarations du Président Obama". Je bois ma tisane, perplexe.

-Seconde partie de l'épisode: le copain de Kourtney la trompe, mais on n'est pas sûr, Khloe veut lui casser la gueule, mais accepte de prendre des cours de self-control à la place. Kim sort avec un joueur de football américain. Je me dis que devrais lire le New York Times plus souvent.

-Coupure pub numéro#3: je refais la peinture dans l'entrée et les carreaux de la salle de bain.

-Dernière partie de l'épisode: Kourtney accuse son copain d'être un alcoolique. Khloe assume ses rondeurs. Kim sort avec un autre joueur de football américain. Je pense qu'il est temps d'aller me coucher.

-Coupure de pub avant le prochain épisode: merde je suis coincée... je viens de me refaire les ongles de pieds et ils ne sont pas encore secs.

Rétrospective "Lobotomisation télévisuelle"
The Truman Show (Peter Weir, 1998)
Six Feet Under (TV series, Alan Ball, 2001-2005)
Breaking Bad (TV series, Vince Giligan, 2008-)

dimanche 5 décembre 2010

Money never sleeps


Chers tous,

Enfin, je viens d'obtenir l'élément crucial qui, au même titre que mon visa de travail, va faire de moi une vraie résidente new-yorkaise. Let's take a guess... Un permis de conduire pour faire des virée dans les Hamptons? Un abonnement au New York Sports Club? La clé de Gramercy Park? Wrong, wrong and wrong! Après avoir appelé un numéro de téléphone automatique et rentré quelques informations succinctes: suis-je employée?, quel est mon salaire annuel?, suis-je locataire ou propriétaire de mon appartement?, le sésame est arrivé par la poste en 3 jours chrono... ma première carte de crédit!!!

Ne soyez pas déçu, il ne s'agit pas d'une carte de crédit au sens français du terme (appellation par ailleurs incorrecte, la carte bleue française est une carte de "débit" uniquement), ma petite mastercard du Crédit agricole m'accompagne partout depuis que j'ai 16 ans (un été à Seattle comme une grande, ça n'a pas de prix). La carte de crédit américaine telle qu'on la pratique ici aujourd'hui date des années 1950s et de l'explosion du marché des biens de consommation. Pour acheter une maison de banlieue, une voiture pour aller au travail en ville, et un frigo pour nourrir la petite famille, les Américains prospères avaient besoin de pouvoir s'endetter temporairement. Et comme le pays ne connaissait pas la crise, nul doute qu'ils pouvaient rembourser une partie de ces emprunts chaque mois. La carte de crédit américaine leur permettait donc de dépenser très facilement de l'argent qu'ils n'avaient pas! C'est plus que jamais le cas aujourd'hui.

Mais quelle idée! En France, l'épargne est reine et si l'on a besoin d'une avance, on doit prendre rendez-vous avec son banquier. Lorsque je suis arrivée ici, j'ai ouvert un compte épargne classique avec carte de paiement/retrait. Pourtant, à chaque fois que je la dégainais dans un magasin, on me demandait: "debit or credit?". Quand j'ai enfin compris en quoi consistait cette différence fondamentale, cela m'a essentiellement rebutée: mis-à-part quelques jongleries avec mon découvert autorisé lors de mes années d'étudiante en France, la notion d'endettement me terrorisait! D'ailleurs, paradoxalement, les debit cards américaines ne permettent absolument pas de descendre en dessous de zéro. Jusqu'à ce les associations de protection des consommateurs se rebiffent récemment, les pénalités étaient ridiculement et exponentiellement élevées si par erreur ou contretemps vous passiez dans le rouge...

L'Amérique est le pays de la culture de l'endettement institutionnalisé. A mon âge, si vous avez fait des hautes-études, il est très rare de ne pas avoir des student loans (emprunts) faramineux à rembourser, car chaque année à l'université coûte plusieurs milliers de dollars rien qu'en frais d'inscription. (Lors de mon année d'échange sur le campus d'un College Ivy League de la Côte Est, j'ai d'autant plus profité de toutes les facilités luxueuses qui étaient à notre disposition, sachant que je n'avais payé que quelques centaines d'euros de frais d'inscription à l'université en France!). A New York, il est donc tout a fait normal d'avoir une, voire même plusieurs, credit cards.

Alors pourquoi ai-je mis de côté mes réticences, et surtout, pourquoi cela fait-il enfin de moi une vraie résidente new-yorkaise? Parce que pour vivre ici, il n'est pas seulement normal d'avoir une credit card, mais également souhaitable et, je dirais même plus, in-dis-pen-sable! "Big brother" me l'a fait comprendre... Lorsque j'ai tenté de changer mon abonnement de téléphone portable, et lorsque j'ai soumis mon dossier de candidature pour la location d'un appartement, je peux vous dire qu'ils n'en avaient plus que rien à cirer que je sois quelqu'un de tellement sérieux qu'elle ne dépense que l'argent qu'elle a sur son compte. La seule chose qui rentre en jeu c'est votre "line of credit", à savoir votre historique d'une utilisation ancienne, fréquente et responsable de votre ou de vos credit cards. Moi qui n'en avait jamais eu, j'étais considérée comme un élément de la société financièrement peu fiable.

Après que je lui ai donné mon social security number (c'est-à-dire, sur le sol américain, votre numéro d'identification pour "big brother"), l'agent à la boutique de téléphonie a regardé son ordinateur et m'a annoncé mystérieusement: "je n'ai pas eu le feu vert" (traduction en Français pour les besoins de ce blog, je précise). Feu vert, de qui, de quoi?... On va en rester avec le terme de "Big brother". Seule solution, garder mon forfait actuel ou faire un chèque de caution de 500 dollars qui serait immédiatement encaissé. Pendant que j'y suis, je vais mentionner une autre anomalie américaine: les chèques n'ont pas vraiment valeur de garantie, mieux vaut ne pas les laisser trainer ou c'est à votre pomme! Cela va donc sans dire que l'on m'a aussi refusé la location de cet appartement (j'y ai quand même emménagé, les parents de ma colocataire américaine s'étant portés garants du montant global du loyer).

Quelle injustice! Mais quel soulagement d'avoir enfin ce petit bout de plastique dans mon portefeuille. Moi qui avait malheureusement laissé trainer cette corvée pendant des mois, sachant qu'on refuserait sûrement de me donner sans difficultés ma première credit card, puisque, ironie du sort, je n'en avais jamais eu auparavant! Mais j'ai reçu une publicité d'une grande institution de crédit dans ma boite aux lettres, appelé le numéro vert, and... the rest is history! Mon étape préférée a été de choisir l'illustration de ma carte (vous pouvez même demander une version avec la photo de vos enfants si ça vous chante!). J'avais le choix entre plusieurs designs pré-établis: un paysage tropical, un dauphin, un Van Gogh etc... Mon cœur a balancé un instant (un instant seulement, et de la même façon que mes parents ont fait l'acquisition d'un nain de jardin authentique il y quelques années de cela) entre une reproduction du document original de la Constitution américaine et le drapeau de mon pays d'adoption...

Finalement, car j'aime beaucoup la photographie, j'ai opté pour celle, célébrissime, des ouvriers perchés dans le ciel sur une poutre lors de la construction du Rockefeller Center. Très à propos, car moi aussi je dois "bâtir" mon crédit... C'est ce que j'ai réalisé en appelant le QG (situé en Utah!) de ma compagnie de crédit pour activer ma nouvelle carte: j'ai le droit m'endetter à hauteur de... 300 dollars, soit le plancher minimum, houhou! Heureusement, la conseillère qui m'a débité de façon incompréhensible les conditions d'utilisation de ma nouvelle carte, a dit une chose qui m'a rassurée sur mon quotta de coolitude, toujours intact. Quand je lui ai répondu que ma ville de naissance était Paris, France, elle s'est écriée de façon très claire cette fois: "Paris! But it's wonderful!"

Rétrospective "Money never sleeps":  
Inside Job (Charles Ferguson, 2010) 
Confessions of a Shopaholic (P.J. Hogan, 2009)
Wall Street (Oliver Stone, 1987)

jeudi 2 décembre 2010

Entre nous


Chers tous,

Pour ceux qui ne me connaissent pas encore, je m'appelle Marion et j'habite à New York (introduction spartiate, vous allez bientôt comprendre pourquoi). Cela fait deux ans et demi que je vis en décalage horaire avec la France et ce sont mes amis et ma famille qui me manquent le plus. D'ailleurs, pour éliminer la question classique dès maintenant... "Et le fromage alors? Comment tu fais pour vivre sans?", et bien on trouve de tout à New York, même du St Marcellin!

Afin de garder le contact avec mes "chers tous", j'essaye de leur envoyer régulièrement des emails fleuves. Fleuves car, un peu égoïstement, ces missives me font aussi beaucoup de bien à moi: d'abord j'aime les écrire (ce que j'aime encore plus, c'est envoyer le message le soir à l'heure américaine et savoir que quand j'ouvrirai ma boîte email le jour suivant, elle sera pleine de bonnes surprises, comme un matin de Noël), ensuite je trouve que les souvenirs sont des choses très précieuses à collecter, et enfin c'est mon défouloir par la plume (ou par le clavier)! Pourtant, le récit de mes aventures à New York n'est pas vraiment un journal intime, plutôt le point de vue, (hopefully, entertaining) d'une Française sur cette ville qui nous fascine tant nous les Français (ayant pratiquement toujours vécu dans les "Villages", Greenwich, East et West, je suis aux premières loges pour voir défiler les touristes Frenchies!)

Malheureusement, depuis quelques temps j'ai du mal à trouver la motivation pour raconter mes histoires, alors elles s'accumulent dans ma tête et ça déborde! C'est pourquoi j'ai décidé de rendre ce blog public (plus de lecteurs=plus de pression). Et c'est donc pourquoi "Marion/New York" sont plus que suffisants comme éléments d'identification. (C'est aussi l'adresse de ce site, facile à retenir! marionnewyork.blogspot.com). Toute ressemblance avec des gens de mon entourage n'est bien sûr pas une coïncidence, mais j'ai aussi une tendance à grossir certains détails, mélanger des personnes, dates et/ou lieux etc. Et puis je ne parlerai pas que de moi mais aussi des toutes ces petites et grandes choses qui font qu'habiter à New York est une expérience unique.

Une autre des raisons qui me pousse à partager mes expériences sur la place publique de "l'internet" (comme dirait Maman) c'est l'incroyable réaction des amis de mes amis ou même des inconnus que je croise à chacun de mes passages en France, qui, lorsque je leur annonce que je vis et travaille à New York, ont l'air ébahis, impressionnés, heureux pour moi, interloqués voire peut-être jaloux... Si vous vous reconnaissez dans cette description, ce blog est aussi pour vous!

New York est clairement une ville de rêves et de fantasmes, tout le monde ici a l'ambition de faire sien un petit morceau de cette grosse pomme. J'avoue que j'ai parfois les sourcils qui froncent quand j'entends un Français qui passe par "chez moi" pour quelques mois (en stage par exemple), donner des leçons sur l'hiver à New York, avec la neige qui arrive toujours "dès début Décembre" (si je peux me permettre, là je regarde par ma fenêtre et tout ce que vois ce sont les chats sans poils de mon voisin dans l'immeuble dans face). Le paradoxe, c'est que l'on est toujours très bien accueilli(e), que l'adaptation est facile dans cette bulle multiculturelle (bienvenue dans le meilleur compromis entre l'Europe et l'Amérique!) or, pour un Français, ou une Française, se fondre vraiment dans la masse, et vivre vraiment comme un Américain (se mettre à parler en Anglais, penser en Anglais, rêver en Anglais, ou encore,  hello!, 15 jours de vacances seulement à poser par an...), et bien ça ne se fait pas en un claquement de doigts! Moi qui avais l'envie de vivre aux États-Unis depuis mon premier voyage ici à l'âge de 15 ans, j'ai appris tout ça lentement mais surement, parfois avec incompréhension, parfois avec joie, parfois avec angoisse, parfois avec impatience, parfois avec colère, mais surtout avec curiosité. J'y reviendrai dans des messages ultérieurs...

Je suis donc comme tous les New Yorkais, une possessive, une pure et dure, une extrémiste de mon home sweet home... et puis je suis aussi toujours une Française, une Européenne, et ça c'est aussi mon trésor. La plupart des New Yorkais adorent et vénèrent la France alors c'est enfin pourquoi, même si peu d'entre eux liront ce blog, je vais essayer de leur rendre ce merveilleux compliment!

I'll talk to you soon!
Marion

PS: Je me vois mal commencer ce blog sans même mentionner ma grande histoire d'amour avec le cinéma (essentiellement américain, vous aurez deviné!). A la fin de chaque message, je vais inclure une liste de films que j'ai vus liés au thème abordé. Mon abonnement Netflix attend vos suggestions!

Rétrospective "Entre nous"
Broken English (Zoe R. Cassavetes, 2007)
2 Days in Paris (Julie Delpy, 2007)
French Postcards (Willard Huyck, 1979)
America, America (Elia Kazan, 1963)